THIS WILL DESTROY YOU + THISQUIETARMY @ Petit Bain, Paris – 07/05/2016

Mel vous le confirmera, on attendait ce weekend de Mai avec impatience. En effet, pour la première fois cette année, deux grosses affiches de post-rock allaient se succéder à Paris : le samedi avec Thisquietarmy & This Will Destroy You (ce qui nous intéresse ce soir) au Petit Bain, et dimanche au Batofar avec, excusez du peu, Petter Carlsen (qu’on a notamment vu avec Anathema), Rendez-Vous Point (qu’on a pu voir cette année en ouverture de Leprous) et surtout les Allemands de Long Distance Calling. Je vous l’accorde, ça fait beaucoup de super noms en une seule phrase.

Pourtant, ce samedi avait aussi lieu un énorme dilemme car au même moment jouait Anneke van Giersbergen avec Klone, pour deux sets acoustiques qui s’annonçaient sublimes, clairement un vrai crève-cœur. Pourtant, pour la simple et bonne raison qu’ils se font extrêmement rares sur nos terres, notre choix se portera sur le combo Texan de post-rock.

Long week-end de l’Ascension et temps superbe obligent, les rues de Paris, et plus particulièrement les quais de Seine comme les terrasses sont bondés, et c’est sans surprise que l’on arrive devant un Petit Bain qui commence déjà à bien se remplir, preuve aussi qu’il y a un vrai public pour le post-rock à Paris. Par contre, et ce sera le seul vrai regret de la soirée, on sera les seuls photographes, la plupart des magazines ayant apparemment choisi ce qui se passe à la Maroquinerie. Tant pis pour eux, ils vont rater une excellente soirée, soirée qui débute avec Thisquietarmy.

Découvert peu de temps avant le concert grâce à une vidéo du Dunk ! Festival 2015 qui m’avait littéralement mis sur le cul, Eric Quach jouant à l’extérieur, sur un simple morceau d’herbe, son immense pédalier devant lui et le public autour, totalement captivé. Le genre de performance qui vous fait vous dire « putain, il faut que je puisse voir ça en live aussi ». Du sieur Quach j’ignorais quasiment tout de son parcours, alors en cherchant un peu, on découvre qu’avant 2005, naissance du projet Thisquietarmy, le bonhomme était gratteux dans un groupe de post-rock, Destroyalldreamers dont le nom parle peut-être à certain d’entre vous.  On apprend aussi qu’il a sorti plus d’une vingtaine d’EP, LP et diverses collaborations avec des groupes comme Year of No Light, Yellow6, Monarch, Nadja…Ok, là on comprend que celui qui se présente seul face à nous n’est pas n’importe qui.

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Hasard des concerts, lors de notre dernière venue au Petit Bain [John Haughm, ndlr.], la configuration de la première partie était similaire : un impressionnant pédalier, un homme seul, et une projection derrière lui et cette impression d’un voyage initiatique. Armé de sa sublime Fender Jaguar bordeaux, Eric Quach va nous balader pendant près d’une heure quelque part, les paysages derrière lui s’enchaînant et les images, toujours en noir et blanc, se superposant et dont les saccades seront plus que fréquentes, nous faisant nous demander parfois si c’est le visuel qui accompagne la musique, ou si c’est la musique qui accompagne le visuel. Intense (et je m’interdirai de sortir « Thisquietarmy » est tout sauf quiet) sera le maître mot de cette balade au pays des sons tantôt drones, tantôt plus indus, tantôt bien évidemment plus post-rock, mais toujours maîtrisée, et ce qui frappera, c’est de voir l’homme parvenir à captiver un auditoire par une musique si complexe et définitivement peu facile d’accès, perdre le public ou du moins une partie aurait été chose aisée, mais on peut  imaginer que ceux qui sont venus ce soir sont prêts à accueillir ce genre de performance, dès lors où elles sont exécutées avec autant d’élégance et de sincérité. Alors même si parfois on ne savait pas trop où on allait (peut-être était-ce le but d’ailleurs), on a passé un vrai beau moment, et on en redemande, autant que de nous (re)plonger dans la discographie fournie de Thisquietarmy. Merci Monsieur Quach…

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Allez, on se remet doucement, en appréciant au passage la sortie timide de celui qui vient de nous enchanter et on se prépare à accueillir un des plus importants groupes de post-rock actuel.

Comme la plupart des groupes du genre, on peut dire que le combo Texan soigne l’ambiance dans laquelle il s’apprête à jouer. Et si on se souvient de la galère pour pouvoir photographier Jex Thoth par exemple (choisissant de s’éclairer à la lumière de quelques chandelles, cf report), dans le cas de This Will Destroy You, il s’agira d’un éclairage encore plus minimaliste car Donovan (Jones – basse/claviers) et Chris (King – guitare), ne joueront qu’avec une simple lampe frontale. Alex (Bhore – batterie) et Jeremy (Galindo – guitare) quant à eux, joueront tout simplement  dans le noir, éclairés de temps en temps par les 2 premiers. Ambiance intimo-minimaliste garantie donc même si galère absolue pour les photographes que nous sommes, on s’excuse donc d’avance pour le manque de photos de qualité, on aura fait tout ce qu’on a pu. Mais place à la musique, la musique d’un groupe qui va nous faire entrer en résonance avec le fond de notre âme.

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 Bon, tout ça était plus ou moins prévu, mais on ne pensait pas à ce point. On retrouve (très) souvent dans le post-rock, un peu comme une marque de fabrique, cette dualité qui commence par une progression calme et apaisée, puis monte petit à petit en puissance jusqu’à l’explosion, le climax si vous préférez, l’explosion des sentiments des émotions, un pur lâcher-priser, et où les groupes, d’ordinaire presque passifs, déploient une énergie quasi incontrôlable, pour repasser à un état à nouveau apaisé (oui, on peut presque parler de montée orgasmique). Et si en album ça nous touche beaucoup, en live le spectateur vit au rythme des émotions du groupe, se laissant facilement se perdre, d’ailleurs la péniche sur laquelle nous avons posé pieds bougera plus que d’habitude, elle aussi bercée par l’énergie des Texans (bon, on découvrira plus tard que des hors-bords s’amusant sur la Seine seront responsables des vagues qui feront tanguer notre navire, tant pis pour le mythe). Crescendo, This Will Destroy You nous aura embarqués avec eux dans un voyage au plus profond de nos émotions, le tout avec une grande sincérité et une pudeur qui les honore, parlant peu au public, si ce n’est quelques remerciements. Côté public d’ailleurs, on appréciera son calme, tout en sachant être des plus démonstratifs et reconnaissants lorsqu’il s’agira d’applaudir le groupe. On aura pourtant la surprise d’un rappel, là où d’habitude les groupes quittent la scène sans dire un mot et sans jouer un seul titre supplémentaire.

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Ce soir on aura la preuve qu’il peut y avoir un vrai déploiement d’énergie sans pour autant être violent, donnant au passage une vraie leçon à bon nombre de groupes de metal, facilement violents et  sans une once de subtilité. Vous n’êtes pas convaincu ? Je vous invite à vous mettre les 9 minutes et quelques du titre « A Three-Legged Workhorse » et vous laisser envelopper pour comprendre…

Un pur régal avec cette démonstration de ce qui se fait de mieux dans le genre, alors on est forcément un peu triste que ça doive se terminer. On se consolera apriori avec Long Distance Calling le lendemain (sauf que depuis, on apprendra à la dernière minute que le groupe allemand aura dû annuler sa date parisienne en raison de problèmes avec son tour-bus…alors on se focalisera sur cette très jolie soirée permise par le Petit Bain, merci à toutes celles et ceux qui y ont contribué).

Texte : Mats L.

Photos : Mélanie B.

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