
Vous commencez à savoir que chez The Unchained, il n’existe rien qui ne soit pas décalé. Ainsi, même lorsque nous assistons à une exposition sur Batman, nous préférons rester loin des portraits lisses que nous pourrions trouver chez Warner Bros. Et c’est à la galerie Sakura que nous avons trouvé notre bonheur. Retour sur notre visite des 250m2 occupés par Des chauves souris et des Hommes.
L’exposition sur deux étages et trois pièces réunit une centaine d’œuvres de 32 artistes internationaux, tous choisis avec soin. Parmi eux, que des coups de cœurs de Jean-Baptiste Simon et Mathieu Taravella (dont Mary Ellen Mark disparue en mai dernier), qu’ils aient ou non travaillé sur Batman auparavant, et à qui l’on a demandé de réinterpréter ce super-héros. Pour ces oeuvres, ils ont dû faire des choix, mais toujours décalés, jamais institutionnels.
En résulte un travail surprenant : du Batman tagueur, au Batman Mona Lisa, en passant par le Batman-minion et celui fit en disquettes, on y trouve une multitude d’univers différents qui disent quelque chose de ce qu’il a pu représenter, et comment, dans la vie de tous. Finalement, notre balade pourrait s’accompagner des questions suivante : Qui est Batman pour nous ? Qu’est-ce qu’il représente ? Quelle place a-t-il dans nos vies ?
Peu importe la réponse que l’on peut y donner, le premier constat est qu’il n’y a jamais aucun portrait, mais toujours un Batman mis en contexte, humanisé (ce qui, finalement, correspond à ce qu’il est : un humain). Il n’est donc jamais neutre pour nous. Batman est un personnage sur lequel nous projetons, que l’on intègre à nos vies. Et de fait, ce héros né en 1939 a traversé les époques et les existences. La scénographie est d’ailleurs au service de cela. En effet, le rez de chaussé de la galerie, celui devant lequel le passant lamba passe lorsqu’il marche dans la rue, est couvert de photographies mettant en scène le réel. Il y a Batman en politique, Batman dans la rue, posant avec des fillettes, en train de taguer pour dénoncer l’identité de Superman… Mais il y a aussi la fin potentielle du mythe de Batman, avec une série de clichés pris dans des décors post-apocalyptiques, dans lesquels il y a de petits clins d’œil à des films, que certains reconnaîtront.
Mais l’intégration ne se fait pas à sens unique. Si le héros est dans notre quotidien, et vivant une vie pouvant être celle de n’importe qui, l’inverse est aussi vrai : des éléments par-ci, par là, à l’instar du capot de d’une Batcar ou le Batskull de Daniel Picard, sans oublier les petits graffitis sur les murs, nous feraient presque confondre le rêve et la réalité.
La pièce du fond fait une parfaite transition dans l’exposition : après le quotidien, les 20 tirages argentiques en noir et blanc de Rémi Noël nous incitent à prendre un peu de recul. Batman se transforme alors en figurine, celle qui appartenait à son fils maintenant devenu grand. Il passe d’un Homme à un objet du quotidien, toujours concret mais d’une autre réalité. Mais on y retrouve déjà un symbolisme fort de ce que peut représenter le héros. Batman devient un Christ en croix, un symbole dans le ciel, tout comme il est dans les choses les plus banales (le bain, les toilettes, près d’une boîte de conserve ou du fil dentaire). C’est finalement le mythe de l’ouest américain qui est révisité par le biais de ce héros.
Enfin, le sous-sol nous invite dans un univers plus secret, imaginaire, moins évident que le rez de chaussé auquel nous ne pouvons échapper. En descendant les marches, nous entrons dans la fiction, dans une vision de Batman qui n’est plus si concrète, plus matérielle. C’est un Batman des comics, dessiné, peint, assemblé à partir de disquettes… Un héros désormais entouré de Robin, mais aussi des vilains. Les sentiments comme la peur, l’angoisse, sont représentés, notamment à travers le personnage du Joker, mais le spectateur se retrouve aussi face à un imaginaire plus poussé qu’il pourrait avoir, puisqu’il y a du fanservice Batman-Robin, ou encore une Catwoman sexy. Mais c’est avant tout le kitsch (fidèle à celui de 1966), l’enfance, qui prend le pas sur le noir et blanc de l’étage.
Au final, si l’identité de Superman est mentionnée deux fois, une fois lorsque Batman le tague, et une fois lorsqu’il demande “Who the fuck is Superman ?”, celle de Batman n’est jamais mentionnée et, dans cette exposition, il restera l’homme masqué qui apparaît dans notre quotidien, dans notre imaginaire, mais aussi dans notre réalité. Il pourrait être n’importe qui, il pourrait exister, il pourrait être nous. Nous nous sommes questionnés sur ce qu’il représentait pour nous lors de notre balade, mais peut être est-ce nous que nous avons questionné : étions nous plus sensible au Batman pop coloré ? À celui dont le mythe se termine ? À celui qui semble si réel que nous nous sommes retrouvés comme des enfants à croire en lui ? À celui lointain qui n’évoque chez nous que des souvenirs d’enfant ? Pourquoi sommes nous fascinés par lui ? Pourquoi avons nous besoin de héros ? Qui que nous sommes, il y en avait certainement pour tous les goûts, pour tous les âges, pour les fans de la première heure comme pour les nouveaux.
Batman a vécu la dépression, le deuil (avec la perte de Robin en 1990), la résurrection, mais aussi des périodes plus colorées et kitsch (on pense à Burton notamment)… Et sur ce constat, nous pouvons dire que l’exposition porte bien son nom : des chauves souris et des hommes car Batman est multiple, il a plusieurs facettes, mais il est avant tout plein d’humanité et d’humains. Il est nous, il est vous, il est les époques qu’il a traversé depuis 1939.
Notons que si après tout ça, l’exposition a un goût de reviens-y, les tirages (dont 80% sont des inédits) sont disponibles sous plusieurs tailles, et au prix de 40€ pour certains.
Ne partez pas tout de suite ! Sachez que la galerie organise une séance dédicace de Rémi Noël le dimanche 8 mai, de 15 à 18h, et des performances street art Batman le 14 mai par Noty&Aroz, de 15 à 18h également. Les festivités se termineront par un “finissage d’exposition” le jeudi 16 juin de 18 à 20h. On vous l’avait dit, il y en aura pour tout le monde !
Galerie Sakura, Des Chauves Souris et des Hommes, exposition temporaire jusqu’au 16 juin 2016, entrée libre. 21, rue du Bourg Tibourg, 75004 Paris.
Texte: Madison
Photos: ©Galerie Sakura
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