IGGY POP – POST POP DEPRESSION

En 1977, Iggy Pop présentait au monde son célèbre album solo, The Idiot, en compagnie de son producteur, David Bowie. Trente-neuf ans plus tard, c’est en compagnie d’un autre roux, Joshua Homme, que l’iguane nous présente son nouveau disque, Post Pop Depression. C’est dans une sacrée ambiance que sort cet album : Iggy a perdu il y a peu David, son acolyte de toujours, son BFF à la vie à la mort, et Joshua se remet à peine des attentats de novembre 2015 [l’un de ses groupes, Eagles Of Death Metal, officiait sur la scène du Bataclan, ndlr]. Sacré contexte donc, et ce titre, Post Pop Depression, qui résonne et qui raisonne.

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Pour être très précis, cet album est l’œuvre de la collaboration non seulement d’Iggy Pop (The Stooges) au chant et de Joshua Homme (Queens Of The Stone Age) à la guitare, mais aussi de Dean Ferrita (Queens Of The Stone Age) à la basse et de Matt Helders (Arctic Monkeys) à la batterie. On est donc face à une sorte d’All-Star-Band un peu spécial, avec des types qui viennent tous d’univers et de générations différents. Après une grosse partie de sa carrière à officier entre le punk et le rock garage, Iggy nous était revenu en solo ces dernières années avec des galettes plus posées qu’on écoutait en lisant du Kerouac, un verre de whisky à la main, devant la cheminée. Post Pop Depression, enregistré presque dans le secret le plus total, a permis à Josh Homme de pousser Iggy Pop hors de sa zone de confort. D’ailleurs, il est presque impossible de le labelliser correctement : parfois pop, parfois jazzy, parfois plus garage, la seule trame du disque c’est ce côté « j’en ai marre de toute cette merde ».

En effet, le disque s’ouvre sur « Break Into Your Heart » et ce refrain ‘’ I’m gonna break into your heart/ I’m gonna crawl under your skin/ I’m gonna break into your heart/ And follow til I see where you begin ’’. La voix d’Iggy, à presque 69 ans, a désormais ce truc fantomatique, à la fois plus sage et plus flippant. On ressent toujours sa rage, mais il ne cherche plus à atteindre certaines notes comme autrefois, et s’en accommode parfaitement. Sur la deuxième chanson, « Gardenia », on sent beaucoup plus la patte QOTSA, tant elle pourrait très bien se trouver sur une face B d’un de leurs albums. En fait, tout au long du disque, on peut presque dire qui a été l’instigateur de la piste selon la mise en avant ou non de certains instruments.

« American Valhalla » fout la chair de poule. Quand vous la lancez, vous entendez tout de suite « China Girl », légendaire collaboration entre Bowie et Iggy Pop. Et de façon générale, l’album respire le David Bowie à plein poumon. Sur cette piste comme sur d’autres, et notamment la suivante « In The Lobby », on pourrait presque croire que c’est Bowie qui chante, et en fermant les yeux, elles auraient pu être une collaboration entre les deux comparses qu’on aurait retrouvée sur Black Star, dernier album du célèbre Anglais. Sérieusement, dans le contexte, ça fout les boules.

« Sunday » est le genre de chansons que vous auriez obtenues si vous aviez demandé à Iggy et Homme d’écrire pour Duran Duran. Elle est catchy, très pop, avec beaucoup plus d’éléments électroniques que dans le reste de l’album, et a une ligne de basse assez fun. Non attendez, à bien y réfléchir, ça ressemble pas mal à du Arctic Monkeys. Et puis dans le genre, ça contraste avec « Vulture », chanson bien flippante, sombre et lourde, où tu finis par avoir vraiment l’impression d’être attaqué par des vautours. La production de l’album est dans sa globalité assez crue, assez épurée. Il y a peu de fioritures comme dans « Sunday », en-dehors peut-être de l’utilisation de cloches et de carillons. C’est même assez abrasif pour le coup, et on imagine très bien que les pistes aient pu être enregistrées en une prise live. Ça rassure d’ailleurs pour les concerts à venir [ils viendront défendre l’album le 15 mai au Grand Rex de Paris entre autres dates, ndlr], pas besoin de millions de samples, la plupart des morceaux pourront aisément être joués tels quels.

Avec un titre comme « German Days », on peut s’attendre à une chanson bien déprimante, se référant aux moments passés à Berlin par Iggy Pop et David Bowie dont résulteront trois albums (The Idiot et Lust For Life d’Iggy Pop, et Low de David Bowie). Et bah bingo ! Bon, ce n’est pas vraiment déprimant dans le sens lancinant et larmoyant, mais c’est tout de même empreint d’une certaine nostalgie. En revanche, « Chocolate Drops », sérénade très années 1970 version Steely Dan, a ce côté très aigre-doux, dispensant les conseils avisés de quelqu’un qui a connu des moments aussi bas que hauts, et rappelant que la vie est une montagne russe : ‘’ When you get to the bottom, you’re near the top/ the shit turns into chocolate drops ’’. Le disque se clôt sur « Paraguay », avec ses effluves marines. Alors qu’on imagine Iggy enfiler son short de bain pour plonger dans l’océan au soleil couchant, l’album nous offre un dernier demi-tour, comme un doigt d’honneur au monde : ‘’ You take your motherfuckin’ laptop and just shove it into your goddamn foul mouth, down your shit-heeled gizzard, you fuckin’ phony, two-faced, three-timing piece of turd ‘’ hurle-t-il à tout le monde et personne à la fois, alors que Homme et son crew l’encouragent avec des riffs et des chœurs 100% QOTSA.

Qui aurait pu imaginer Iggy Pop et Josh Homme travaillant ensemble ? Je ne sais pas pour vous, mais personnellement j’étais à des années lumières d’attendre cette collaboration. Et pourtant, pourtant… Ca fait sens, et ça fonctionne. Arrivés tous les quatre en studio avec pas grand-chose d’autre comme matière que leur bite et leur couteau, ils en sont ressortis avec un album qui a poussé chacun des artistes hors de ses retranchements. Ça ne ressemble ni à du Iggy Pop, ni à du QOTSA, ni à du Arctic Monkeys, ça ressemble à tout ça à la fois. Vous les foutez tous dans un shaker, avec des dosages différents pour chaque chanson, et vous obtenez cet album, ce projet, qui présente plein d’univers différents, mais tous plaisants. Il y en a pour tout le monde, et il y en a surtout pour chacun. Je n’ai pas parlé du titre de l’album, car j’ignore encore si le « Pop » de Post Pop Depression fait référence au style de musique « pop » ou au « pop » de Iggy Pop. Dans la dernière hypothèse, si cet album doit être le dernier cri du premier punk de l’Histoire, alors sa carrière se clôturera comme elle a commencé : en envoyant se faire enculer un monde sacrément no fun.

Iggy Pop, Post Pop Depression, sorti le 18 mars 2016 chez Loma Vista

Texte : Charlotte Sert

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