STEVE JOBS – DANNY BOYLE (2015)

C’est un exercice de style de faire passer un personnage célèbre à travers cette couche de vernis qu’est le biopic. Très souvent page wikipédia un peu ou beaucoup trop romancée qui fait office de simple dépoussiérant pour certains car faut garder cette aura liée au personnage sans l’égratigner. Mis à part quelques rares exceptions portées et adaptés avec une certaine touche ( Walk The Line) et bien très franchement on en ressort que très rarement renversé par l’oeuvre en elle même. Je vous épargne qui est Steve Jobs, vous aficionados ou non d’ Apple que vous êtes ! Son oeuvre est une question qui avait déjà été abordée en 2013 de façon bien terne par J.M Stern  avec Ashton Kutcher dans le rôle titre, à oublier très rapidement par son inutilité profonde. Mais quand Aaron Sorkin ( Social Network, Le Stratège) scénariste le plus grisant et le plus en vue d’ Hollywood décide de s’attaquer à la biographie par Isaacson et bien on peut vite oublier les pages wikipedia et garder un oeil attentif sur ce qui se préparait.  Pourquoi ?

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On sait tous ce qu’il a fait vous allez me dire. Mais la question va au dela de ça, il est toujours intéressant de mettre en lumière l’homme qui se cache derrière le personnage et sa réussite. Après l’incomparable Social Network avec David Fincher le couple devait se reformer pour l’homme à la pomme mais suite à divers péripeties c’est  l’anglais Boyle qu’allait  hériter du projet. Et ce n’est pas plus mal. Un oeil différent.

Revenons à Steve Jobs, qui n’a rien inventé informatiquement parlant mais a su surtout lancer une machinerie informatique portée par une vraie vision du futur et un sens théâtral de la mise en scène, un précurseur de ce qu’est devenu l’informatique de tout les jours. Mais u delà de ça, il y a l’homme qui se cache derrière cette pomme. Et c’est ce qui intéresse ici Aaron Sorkin qui puisera dans la biographie d’Isaacson pour proposer autre chose de ce que l’on sait tous !

Comme dans Social Network, il n’y a pas enjolivement du personnage central de Steve Jobs. Loin de la vision chronologique existentielle et réchauffée du biopic, ici tout part de 3 événements. Construction en 3 lancements, 3 temps, 3 lieux pour 3 événements, 3 actes, 3 chapitres, tout part de là et c’est ça qui recquiere toute notre attention et ce qui est d’autant plus intéressant c’est que le patron d’Apple portait un intérêt primordial à ses présentations, ces fameuses Keynotes « suivis et attendus par le monde entier ». Tout ce qui se passe dans les coulisses ne c’est pas réellement passé mais ce qui se dit c’est réellement dit.. Vous me suivez ?  Nous ne sommes pas dans le biopic pur mais plutôt un portrait réaliste dans une certaine réalité. Le parallèle entre le film et le personnage commence dès la construction et la dynamique du film qui réussira à nous tenir pendant plus de deux heures.

1984, 1988, 1998, 3 dates et 3 événements réels sur lesquels Danny Boyle concentra tout le dispositif filmique. Entre théâtre (la scène de chaque lancements, les coulisses, la construction en actes ) mais aussi propositions de cinéma. Une image et un temps constamment en mouvement à travers des inserts ingénieux, parti pris de filmer en 3 formats différents raccords avec le temps ( 16 mm, 35 mm, numérique) et dispositifs fluides de caméra. La mis en scène offre ici une constante énergie dans un style différent de ce que Danny Boyle a a pu nous proposer auparavant. L’image offre son pendant à la fluidité mélodieuse des dialogues au cours de cet échange intense qui nous tient.

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Point de superlatifs, Steve Jobs est ici montré tel un homme peut il être, dépeint comme fascinant, brutal, inventif, manipulateur, dictatorial, combattant ses peurs qui ressurgissent et sont liés à sa vie et jouent sur ses relations humaines, un refus de l’empathie ( il accepte mal d’être un enfant adopté et surtout refusé la première fois, lien avec le refus de la paternité de sa fille, relations difficiles avec ses plus proches Wozniak, Andy Hertzfeld….). Tout est relations et affrontements et les deux à la fois pour le fascinant homme aux New Balances. Le réalisateur, quand à lui, s’y affirme ici comme un metteur en scène qui porte au bout son sujet dans une proposition de cinéma qui percute et agit pour nous mettre le cortex cérébral en émoi pour une réflexion dont je vous fait grâce car sinon j’ai encore plusieurs pages à vous proposer…

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Mais la réalisation et le scénario ne seraient rien sans les principaux concernés, ces personnages interprétés par des acteurs remarquables dont mention spéciale à Michael Fassbender qui est est ici prodigieux d’incarnation ne cherchant pas le mimétisme à tout prix pour ressortir une intensité plus profonde dans les multiples facettes du créateur à la pomme. Le choix pour l’oscar devient de plus en plus difficile suite à cette prestation intense. Tout comme Kate Winslet dans une surprenante et touchante de persévérance. Peut être une fin un peu trop conventionnelle mais tout ne pouvait pas être négatif au pays de l’Oncle Sam, surtout concernant Steve Jobs.  Ce qu’il en résulte c’est que la maitre de la pomme avait raison, Danny Boyle nous montre que l’image est d’autant plus au centre de la société d’aujourd’hui…

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Au delà de ça, le film me donnera envie d’en savoir plus sur l’homme qui se cache derrière le personnage. Fascinant et déroutant à la fois.  Comme avec David Fincher, le couple Danny Boyle Aaron Sorkin nous subjugue et ose,  avec de telles idées le cinéma peut enfin penser différemment. Connaissant le public français on sait que le succès commercial sera mitigé mais  le succès artistique, quand à lui, est au rendez vous avec cette proposition franche et sincère de créativité.

Think (really) Different.

Texte: Anthony

STEVE JOBS, Danny Boyle, scénario: Aaron Sorkin, durée 2h02, production américaine 2015, sortie 3 février 2016

Acteurs principaux: Michael Fassbender, Kate Winslet, Seth Rogen, Jeff Daniels

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