NIGHTFARE DE JULIEN SERRI

Aller voir un film comme Night Fare au cinéma est un acte militant. Aller au cinéma pour voir un film qui a connu une telle aventure dans sa conception, c’est aussi dire : « j’aime le cinéma, tous les cinémas, mais j’en ai plein le cul de voir vos comédies franchouillardes avec des youtubeurs en vogue en tête d’affiche et ras le bol de voir vos drames sociaux/familiaux. Je veux voir du cinéma, du vrai, simple, efficace et qui pose les couilles sur la table. Je veux voir un film, qui ait de la gueule et qui me parle. » Vous l’aurez compris, le film de Julien Seri sort des carcans des productions cinématographiques françaises actuelles et c’est tant mieux !


L’histoire de la création de Night Fare est à la fois particulière et malheureusement de plus en plus fréquente. Il n’est plus rare que producteurs et réalisateurs se retrouvent en quête de nouveaux moyens de financement pour concevoir un film. Night Fare n’est pas passé par les circuits classiques de production, mais a été en partie auto-financé et rendu possible grâce à une campagne de crowdfunding.
Night Fare est une fable horrifique urbaine. C’est l’histoire de deux potes, un Anglais et un Français, qui passent une soirée dans Paris. Pour aller en after, ils choisissent de prendre le taxi. Ils vont commettre la monumentale erreur de ne pas vouloir payer la course. C’est ce que l’on appelle faire un « taxi-basket ». Le Driver n’apprécie vraiment pas cette incivilité et prend les deux comparses en chasse. Même si le film donne une impression de déjà vu (le clip de John Carpenter « Night », Duel de Steven Spielberg ou encore Collateral de Michael Mann), on se laisse vite happer par cette histoire pleine d’énergie et de folie furieuse. Le projet est ambitieux et sincère, cela se voit. Les images sont belles et la bande originale electro synth wave enivrante. Un gros effort est effectué sur la forme du métrage. Parfois trop même…
Julien Seri n’a plus réalisé de long métrage depuis 8 ans. Depuis Scorpion en 2007, ses projets n’ont pas abouti. Il a entre temps réalisé de nombreux clips et publicités. Malheureusement, cela se ressent durant la projection. C’est ce que l’on pourrait reprocher à son film. Certaines séquences sont trop musicales, sans aucune ligne de dialogue et ont tendance à briser la tension du film. Elles s’assimilent plus à du clip qu’au véritable film de cinéma.

 

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Toutefois, la séquence très visuelle et gore de l’appartement est réussie. Sur fond electro de Carpenter Brut « Le Perv », on a l’impression de voir le jeu vidéo Hotline Miami prendre vie sous nos yeux. C’est bourrin, ça saigne, c’est trash. Le travail des cascadeurs est également remarquable. Je pense surtout à cette victime qui finit par être éjectée du balcon. Cartoonesque et jubilatoire !

 

Le Driver incarné par Jess Liaudin est sans pitié. Il a une aura surnaturelle tel le boogeyman Michael Myers dans Halloween. Tout comme dans le film culte de John Carpenter, le montage lui confère la capacité de se déplacer rapidement, d’être à chaque coin de rues, de ne laisser aucun moment de répit à ses proies. Même les chiens de garde ressentent de la crainte devant la carrure du bonhomme. Il faut dire qu’il est impressionnant et personne ne souhaiterait le croiser un soir de beuverie en prenant le taxi. Alliant slasher classique et vigilante movie, le dernier acte est assez inattendu. L’explication sur les origines du Driver, même si très réussie, gâche un peu les aspects fantastiques du film. N’oubliez pas de rester pendant le générique de fin, car il existe une post-credits scene. Une référence à l’univers cinématographique Marvel ?

 

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Julien Seri a donc réalisé un film que l’on sent très personnel, a mené son équipe sur un tournage très court de 3 mois (comprenant toutes les étapes de conception du film) et s’est fait avant tout plaisir. Il manie différents genres et n’hésite pas à utiliser leurs codes à contre pied pour proposer une œuvre originale. Le genre étant relativement absent des productions françaises, il serait dommage de bouder notre plaisir. Night Fare a d’énormes qualités. Notamment celles de montrer la façon dont il est possible de détourner les contraintes de temps de tournage et de préparation, comment utiliser le budget alloué ou comment surmonter les obstacles financiers grâce au système D, à l’huile de coude et beaucoup de passion de la part de son équipe. Ce type d’exercice est même encourageant pour quiconque envisage de se lancer dans la réalisation d’un film. Le film est projeté dans 32 salles en France, dont une seule à Paris, le Publicis Cinéma.

 

Texte : Arnaud

 

Night Fare de Julien Seri, sorti en salles le 13 janvier 2016.

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