
C’est avec le cœur lourd que j’entame cette chronique. En effet, l’un des derniers vrais dandys vient de nous quitter. Et plus encore que son impressionnante carrière musicale, c’est l’Elégance, l’Aura l’Audace de Bowie qui vont manquer au monde. Bon, maintenant que j’ai bien plombé l’ambiance, j’ai envie dans cette chronique de parler de mon premier vrai coup de cœur musical de cette étrange année 2016. Il s’agit d’un groupe qui nous vient du Maghreb, et plus particulièrement de Tunisie. De ce pays on connaît surtout les musiciens traditionnels, Anouar Brahem et Dhafer Youssef, compositeurs & joueurs de oud, immensément respectés dans leur pays (j’éviterai de mentionner Dany Brillant, bien que je n’ai rien contre). En metal, on connait surtout Myrath, premier groupe de metal à avoir signé sur un label, et qui, à force d’excellents albums, est devenu un groupe majeur de la scène metal-oriental (on le retrouvera d’ailleurs en première partie de Symphony X très prochainement). Il y a donc Myrath, désormais il y a Nawather, sextet originaire de Tunis qui vient de sortir son tout premier album intitulé Wasted Years chez les Français de M&O Music.
Le groupe comprend donc 6 membres : Nidhal Jaoua au qanûn (instrument traditionnel à cordes de la famille des cithares), Saif Louhibi aux percussions, Yazid Bouafif à la guitare, et Hichem Ben Amara à la basse. Au chant on retrouve Ryma Nakkach pour le chant féminin, et enfin Raouf Jelassi, « grunter » et parolier du groupe.
Maintenant que les présentations sont faites, passons à l’album en lui-même. Les errances sur Youtube ont souvent le don de vous faire perdre un temps incroyable, mais parfois vous tombez sur des albums très intéressants, quand quelques notes suffisent à vous captiver. Ce fut tout à fait le cas avec l’intro de «Daret Layyem », premier single proposé par le groupe et troisième titre de l’album : instruments traditionnels auxquels viennent au fur et à mesure se greffer la délicieuse voix de Ryma (en arabe) et la basse d’Hichem avant d’entendre les growls de Raouf (également en arabe) et un fort joli solo de guitare de Yazid. Convaincu, je me lance dans le reste de l’album. « Portals of Edinya », instrumentale assez classique, mais qui ouvre parfaitement Wasted Years, suivi d’un « Falling Down from the Slope » qui annonce très bien la couleur et résume assez bien de quoi l’album sera fait à savoir l’association d’une Culture extrêmement riche et d’un metal assez moderne très bien produit.
Musicalement très traditionnel (et pas juste pour obtenir le label « metal oriental ») donc, mais en même temps très « moderne » avec la présence marquée de claviers avec chant mixte qui va vous rappeler les grandes heures du metal goth à la Theatre of Tragedy ou Tristania, avec un chant masculin uniquement « growlé », tirant parfois vers le black (donc rassurez-vous, ici point de chant émo larmoyant), la meilleure preuve sur le titre « Raped Dreams ». Et bien que plus vraiment fan de cette profusion de clavier, force est de constater que le mariage avec le qanûn et les autres instruments du genre est d’une fluidité et d’une cohérence incroyables, ce qui fait qu’on se prend très facilement au jeu. Et dans cet ensemble globalement très homogène, quelques titres parviennent néanmoins à se détacher, la rythmique et la construction de « Defnouna » et « Time to Raise the Curtain », qui regroupent à peu près tout ce que j’aime dans le metal oriental, assurément mes deux titres préférés de l’album. Mais quand deux titres parviennent à se détacher en bien, j’ai beaucoup plus de réserve avec « Succubus Romance », et plus particulièrement son intro, qui fait un peu trop dans le cliché « goth », mais c’est parce qu’il fallait bien trouver un titre qui me plaisait moins, ce sera le seul détail qui atténuera mon enthousiasme, d’autant plus que l’album ne se termine pas sur cette note négative mais sur un autre excellent titre, et plus long de l’album, un « Kont Trab » aux accents progressifs pour un très joli bouquet final où notamment mélodies et chant a cappella de Ryma s’entremêlent pour un résultat du plus bel effet.
Alors même s’ il n’est pas dénué de défauts (un peu court, et parfois un peu « too much ») en définitive, par sa capacité à nous faire voyager et à nous ramener aux grandes années du metal goth à chant mixte, Wasted Years est probablement l’album dont on avait besoin par ces temps difficiles (et pas seulement concernant la météo). Dès son premier effort, Nawather est parvenu à se faire une place de choix à la table des « grands » du metal oriental que sont Arkan, Myrath, Acyl, Amasseffer et surtout Orphaned Land. Alors en attendant de les voir sur scène (peut-être au cours d’une tournée avec tous ces groupes), je ne peux que vivement vous recommander de vous jeter sur ce délicieux album qui prouve une nouvelle que le Metal apporte beaucoup à cette Culture, mais surtout que cette Culture continue d’apporter énormément au Metal…
Texte : Mats
Nawather, Wasted Years, sorti le 8 janvier 2016 chez M&O Music
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