
Si la ville de Wevelgem évoque pour beaucoup de frontaliers un bowling [le Kentucky, ndlr] où ils allaient de temps en temps étant ados, pour la plupart d’entre nous, cette petite bourgade belge, proche de Mouscron, ne dit sans doute rien. C’est pourtant de là qu’est originaire une des formations les plus talentueuses, formation qui est venue s’ajouter à la liste des groupes qu’on envie énormément à nos voisins, de Triggerfinger à Amenra, en passant par Girls in Hawaii, Oathbreaker, Aborted et j’en passe, la liste étant de plus en plus longue. Après avoir sorti un premier album en 2008, « when the candle dies out » alors qu’ils avaient à peine 16 ans, c’est la sortie de leur précédent opus, The Hutch, qui a permis à Steak Number Eight de se faire connaître véritablement, grâce à la signature chez les prestigieux Indie Recordings (excusez du peu : 1349, Solefald, Wardruna…), venant s’ajouter à la liste des rares groupes non norvégiens présents sur le label où on trouve notamment nos Français de Hacride.
Autant j’ai à peine écouté les deux premiers albums, autant The Hutch a été un vrai coup de cœur, c’est d’ailleurs, même deux ans après sa sortie, une des galettes que j’écoute le plus souvent, mélange de post-metal, de sludge avec une touche grunge super fraîche et spontanée qui fait sans doute LA particularité du groupe. Pour vous convaincre, si vous ne l’êtes pas encore, je vous invite fortement à vous pencher sur les onze longs titres de ce putain d’album, « Pilgrimage Of A Black Heart » et « Rust » notamment. Ok, les mecs ont sorti cette petite tuerie à 20 ans, pleine de maturité, et, à la différence de beaucoup de groupes du même âge, sans être des copies de leurs influences. La question était de savoir de quoi ils seraient capables trois ans plus tard avec l’album Kosmokoma, capables de pondre une nouvelle pépite ou rester sur leurs acquis.
Premier et unique vrai point commun avec son prédécesseur : ce nouvel album dure aisément plus d’une heure. Unique vrai point commun car Kosmokoma est un album bien plus homogène, plus « massif »avec des morceaux qui mettent beaucoup plus de temps à se détacher les uns des autres, c’est du moins mon impression au bout de la dizième écoute. Comme un album de prog, l’album se décortique minutieusement, et force est d’admettre qu’on a à faire à un impressionnant ratio complexité/qualité de production. Une première preuve avec la petite leçon de tapping sur le tout premier « Return Of The Kolomon », morceau quasi instrumental qu’un groupe comme Gojira n’aurait sans doute pas renié. Du Gojira donc, mais pas que, et c’est souvent quand je retrouve des sonorités d’autres groupes que j’adore que je sais qu’un album me plaît. C’est peut être ça une des forces de SN8, avoir une voix immédiatement identifiable, celle de Brent Vanneste pour le fan (« Your Soul Deserves To Die Twice »), et en même temps se sentir en territoire familier pour le novice, histoire de le rassurer un peu. Un autre exemple : avec « Principal Features Of The Cult » dont une des parties vous fera penser à du Shining tandis qu’une autre aurait pu facilement figurer sur un album de The Dillinger Escape Plan. Kosmokoma semble explorer davantage que son prédécesseur, plus mature donc, lorgnant plus du côté du prog voire de l’avant-garde (« Gravity Giants » ou « Claw It In Your Eyes ») que du grunge/hardcore de leurs débuts. Et comme les petits sont décidément très intelligents, ils ont la bonne idée de nous rajouter des morceaux sublimement aériens, histoire de nous permettre de nous reposer un peu, avec « Charades » sur lequel la voix de Brent fera étonnamment penser à celle de Fever Ray (le générique de la série Vikings…ça vous rappelle quelque chose ?), très impressionnant.
Si vous n’êtes pas encore convaincus à ce stade, et si vous ne jurez que par les morceaux de moins de 3 minutes, je ne peux plus rien faire pour vous. Pour les autres, Kosmokoma possède également quelques petites perles de post-hardore/post-metal avec « It Might Be The Lights », « Future Sky Batteries », (et surtout l’instrumental « Space Punch » qui viendra conclure avec brio cet album) dépassant les 6 minutes et qui vous demanderont bien plus d’écoutes que pour la plupart des albums du genre.
Sans jamais être dans la démonstration, on a en définitive, un album plus complexe, moins accessible, bien plus difficile à chroniquer que leur précédent, mais qui prouve, si c’est encore nécessaire, qu’il faut, et faudra aussi compter sur Steak Number Eight. Et même s’ils ont choisi d’officier dans un genre où il est parfois difficile de se faire une place, souhaitons-leur le meilleur, parce qu’ils le méritent vraiment. Et si vous avez encore des doutes, je vous invite fortement à venir les applaudir le 27 mars au Divan du Monde à Paris en compagnie des légendaires Prong, et c’est une nouvelle fois Garmonbozia qui se charge de l’organisation. En tous cas, The Unchained sera présent.
Texte : Mats L.
Steak Number Eight, Kosmokoma, sorti le 6 novembre 2015 chez Indie Recordings
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