
Constater que BARONESS est un groupe au destin à part est un bel euphémisme : 1 mois après la sortie de Yellow & Green, ce même destin aurait pu être tragique, leur van tombant d’un viaduc, blessant neuf personnes et fit presque perdre son bras à John Baizley. Leur batteur et leur bassiste décidant de cesser l’aventure, le groupe se mit en quête de nouveaux membres, qu’ils trouvèrent en les personnes de Sebastian Thomson & Nick Jost, ce dernier étant également clavier. Depuis, l’envie de continuer à aller de l’avant n’a pas cessé.
Et comme ils ne font rien comme tout le monde, alors que beaucoup de formations auraient pu confortablement rester chez Relapse, un des labels les plus intéressants et créatifs, le groupe préféra produire le successeur de Y&G sur son propre label, en l’occurrence Abraxan Hymns. La possibilité d’un nouvel album allait faire grand bruit dans leur fanbase, d’autant plus que la communication aura été tardive, l’album ayant été annoncé seulement quelques mois avant sa sortie. A partir de là, les spéculations sont allées bon train, notamment quant à la prochaine couleur (autant musicale que celle du titre de l’album), et les infos seront balancées au compte-goutte via les réseaux sociaux, et ce après des mois de silence radio. Seuls quelques titres auront été offerts, avec des vidéos des enregistrements en studio, histoire de donner la teneur de l’album. Finement joué.
Plongeons nous maintenant dans l’écoute de ce 4e album du combo de Savannah. Yellow & Green aura été très déroutant au début, complexe, très varié, et s’éloignant très souvent du sludge (le titre “Psalms Alive” en est un exemple frappant). Pourtant, l’album se bonifie avec le temps, même 3 ans après où je continue à en découvrir certaines subtilités. Purple s’annonçait très différent, et John Baizley nous avait prévenu : il souhaite produire quelque chose de plus direct, plus immédiat, se concentrant sur toute l’énergie que le groupe pouvait donner, aller à l’essentiel. Et à la première écoute de l’album, on ne peut que constater la quasi-totale rupture avec son prédécesseur, Purple est en effet ultra immédiat et catchy, voire « pop » mais dans le bon sens du terme, notamment sur les 3 premiers titres, dont “Shock Me” que le groupe avait bien fait de proposer à l’avance, parfaite représentation de l’album dans sa globalité.
Pourtant, le groupe n’oublie pas de nous rappeler qu’il est avant tout un groupe de sludge progressif, et l’intro de “Kerosene” aurait très bien pu figurer sur un album de Mastodon. Que Baroness continue à faire du sludge c’est très bien, mais ce que tout fan espère c’est entendre ces riffs typiques, ces envolées instrumentales, qui permettent de savoir immédiatement qu’on écoute un album de Baroness. Prières exaucées avec l’interlude “Fugue”, même si on en aurait aimé bien plus. On se consolera avec « chlorine & wine », 1e single sorti et petite merveille qui mériterait un paragraphe à lui tout seul tant j’ai du mal à trouver ce que je préfère dans ce morceau, entre son intro, ses chœurs, la rythmique, ses mélodies, ses soli de Pete Adams, sûrement le morceau qui tournera en boucle et qui résume assez bien l’évolution du groupe : vers un métal plus progressif, avec des influences 70s évidentes.
Influences qui se confirmeront sur « Iron Bell » puis « Desperation Burn ». La palme du refrain ultra efficace et émotionnellement intense reviendra à « if I have to wake up (will you stop the rain) » pour un titre qui se terminera sur un riff typiquement « baronessien » (je fais volontairement l’impasse sur « crossroads of infinity » sorte d’outro futuriste, dispensable).
De cet album on retiendra l’homogénéité et la puissance. Des titres à coup-sûr taillés pour la scène, énergiques avec des refrains que le public entonnera facilement. Le groupe est allé là où il le souhaitait, continuant à explorer d’autres choses, tout en gardant des textes globalement sombres et torturés qui le caractérise.
John Baizley souhaitait continuer d’avancer avec ce premier album post-accident mais sans jamais oublier ses blessures, qui nous forgent, nous construisent. Evoluer sans jamais perdre à l’esprit qui on est. Et à travers cet album moins sludge, plus progressif encore, le groupe nous délivre sûrement son album le plus accessible. Les puristes crieront sans doute au scandale, les novices tomberont sous le charme. Pour ma part je reste un peu partagé, mais c’est si intelligemment et tellement bien fait que je ne peux qu’apprécier. Ma seule crainte, pour refaire un parallèle avec Y&G, c’est que je me lasse de Purple, la quantité d’éléments à découvrir semblant moindre. J’espère me tromper, et à la 5e écoute j’en suis loin d’être encore là, et de ces 10 titres je ne retiendrai pas que les refrains, mais surtout cette formidable leçon de vie donnée par le combo.
Baronness, Purple, Abraxans Hymns, sortie le 18 décembre 2015.
Texte: Mat L
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