
Après le rachat de Lucasfilm pour 4 milliards de dollars par Disney, la production d’un nouvel épisode de la saga culte Star Wars est lancée en 2012. Trois ans plus tard et suite à une campagne promotionnelle agressive accompagnée de photos de tournage, teasers puis trailers, vente massive de produits dérivés et de publicités envahissantes, voilà enfin l’épisode VII sur nos écrans. Pour tout fan, l’attente a été longue. J’avais vraiment hâte de voir la suite des aventures de Luke Skywalker, Han Solo, Chewbacca, Leia et les droïdes.
Star Wars est une histoire qui a eu un fort impact émotionnel sur mon enfance. Un Nouvel Espoir, le tout premier épisode de George Lucas, réalisé en 1977, est l’un de mes tous premiers souvenirs de cinéma. Revenir vers cet univers n’a pas dû être facile non plus pour JJ Abrams, fan boy des films originaux avant de devenir réalisateur à son tour. S’atteler à cette tâche, c’est aussi s’attaquer à un monument de la culture pop, qui va même au delà du simple film divertissant. Star Wars est une saga culte, qui comporte ses codes, ses personnages types, ses arcs narratifs complexes, mais surtout sa mythologie. On peut facilement comprendre que JJ ait d’abord refusé les propositions de Kathleen Kennedy, la présidente de Lucasfilm. Comment se démarquer du fan de toujours et exister en temps que réalisateur à part entière ? Telle a dû être l’une de ses plus grosses difficultés.
Je dois avouer qu’avant d’écrire cette critique, j’aurai vu le film trois fois, avec des personnes de mon entourage différentes et dans différentes conditions de projection. J’ai également pris 2 semaines de recul à décortiquer le scénario, disséquer les séquences, assimiler ce que je venais de voir, mais surtout accepter la rupture et la transition effectuée avec cet épisode. Avec un investissement de départ colossal, on imagine très bien que Disney ait voulu rentabiliser le rachat autant que possible. Dès que l’on a compris ça, on sait déjà que les prises de risques seront quasi nulles, que son réalisateur aura marché sur des œufs durant la production pour ne froisser personne et n’aura eu qu’une marge de manœuvre très mince, car il fallait composer avec de nombreuses contraintes et remplir le cahier des charges. L’énorme travail sur ce nouveau film était de savoir comment rassembler un maximum de fans. Les nouveaux, les plus jeunes mais aussi les novices et les anciens. Ceux qui ont grandi avec la trilogie originale et dont une partie a été déçu par la prélogie sortie à la fin des années 90. L’épisode VII commence 29 ans après la fin du Retour du Jedi. Pratiquement, la même période passée entre la date de sortie des films. Ce choix n’est pas anodin. Il aura permis aux scénaristes (Lawrence Kasdan, JJ Abrams et Michael Arndt) d’intégrer à leur histoire à la fois de nouveaux personnages, de nouveaux arcs narratifs, mais aussi de réunir l’ancien casting et de prolonger la mythologie initiée par George Lucas en 1977.
Ce qui frappe dès les premières minutes du film, ce sont les ruines des anciens vaisseaux et le gigantisme apporté au métrage grâce à des plans très larges. La 3D est d’ailleurs magnifique et permet de s’immerger totalement. Les vestiges de l’ancien monde dans lequel progresse Rey, l’héroïne du film, ressemble étrangement au Wasteland de Mad Max. On retrouve même une ville où le troc est le seul moyen de survivre. Les nouveaux personnages évoluent dans le contexte des anciens épisodes . Le gigantisme de ces plans permet de prendre toute la mesure du film auquel on assiste. Le spectateur se sent infiniment petit devant ces paysages gigantesques et les épaves des Destroyers de l’Empire. Est ce une façon aussi pour JJ Abrams de rendre hommage à ce monument sacré du divertissement populaire ?
On retrouve un monde connu laissé à l’abandon, tout en découvrant de nouvelles choses. Des éléments planifiés par Gary Kurtz, l’un des producteurs de la trilogie originale, et Lawrence Kasdan (l’idée du héros féminin paraît nouveau, mais avait déjà été envisagée à l’époque du Retour du Jedi) ou d’autres encore crées par Ralph McQuarrie dans des concepts arts jusqu’alors inutilisés, sont dispersés dans le film. La production design réussie et soignée par les équipes de Rick Carter (oscarisé pour son travail sur Avatar et Lincoln) et Darren Gilford (Oblivion, Tron : Legacy), permet aux spectateurs de se plonger directement dans un univers très familier : « Chewie, we’re home ! ».
La trame principale suit cette logique. Le Réveil de la Force n’est pas un reboot, ni un remake et pourtant, c’est à la fois un peu des deux. A la première projection, j’avais l’impression d’assister à un recyclage paresseux, à une refonte d’Un Nouvel Espoir et de l’Empire contre Attaque. De nombreuses redites, que ce soit dans les personnages, la trame principale, les lieux, les péripéties,… sont évidentes. J’avais presque tendance à comparer ce nouvel épisode à une publicité de 2h16, à une vitrine pour vendre des produits dérivés. Tous les éléments sont présentés aux spectateurs comme un « menu Best Of » de ce qui composait la trilogie originale. J’avais l’impression que le film dégueulait de fan service grossier. Pire encore, la mythologie installée depuis bientôt 40 ans par George Lucas semblait incomprise. Des personnages non Jedi utilisent le sabre laser, l’héroïne se sert de la Force de différentes manières sans jamais avoir été formée par un maître, la Force semble se réveillée avec le sabre laser comme l’anneau dans la mythologie de Tolkien,… Tous ces éléments instaurent un sentiment désagréable durant la projection. Comme si Disney contrôlait tout et que finalement JJ Abrams n’avait que peu de choses à dire sur la conception de son film. Tel un yes man parmi d’autres, le réalisateur s’est il plié aux directives de la firme pour faciliter l’accès à l’univers Star Wars par tous ?
Après tout, c’était sûrement pour ces raisons que tant de réalisateurs intègres avaient refusé le poste : David Fincher, Steven Spielberg, Guillermo Del Toro, Matthew Vaughn ou encore Brad Bird. Les uns ont prétexté avoir leur propre projet en cours, les autres ont clairement avoué avoir lâcher l’affaire pour divergences artistiques. Cependant, après plusieurs projections, je pense que JJ Abrams n’a pas repompé honteusement tout cela pour rien.
Le Réveil de la Force possède suffisamment de nouveaux ingrédients pour que même les fans assidus ne s’y ennuient pas une seule minute. On pourra tout au plus reprocher au film, d’enchaîner trop de séquences d’action, tel un actionner comme il en sort 25 par ans, certains personnages sont peu exploités (le pilote de X Wing Poe Dameron ou encore Capitaine Phasma), quelques grosses ficelles et des raccourcis scénaristiques ont lieu, trop de deus ex machina… Le film prend des allures d’épisode IV et V version 2.0. Toutefois, il faut avouer que ces séquences sont vraiment bien réalisées, l’action est lisible et compréhensible. Le film est beau et les images claquent : la carcasse de l’AT AT, la silhouette des Tie Fighters devant le soleil, un clin d’oeil aux hélicoptères d’Apocalypse Now de Coppola ou le combat de sabres lasers dans la forêt enneigée tel un film de samourais imaginé par Kurosawa par exemple. Lors des attaques des X Wings, les gamers comprendront l’exclamation que j’ai eu : « putain, on se croirait dans Battlefront ! » Le Réveil de la Force se calque donc sur la trilogie originale pour une raison bien précise. Cet épisode oscille entre l’hommage formel (que ce soit avec les anciens personnages et un bon nombre d’éléments, mais aussi dans sa conception, avec une utilisation judicieuse des effets spéciaux numériques et plateaux, les marionnettes et les maquillages (je vous mets au défi de retrouver Simon Pegg dans le film), les paysages réels, les volets et fondus entre les séquences,…) et la transition, le passage de relais. Tout le film repose sur ces idées.
Que ce soit dans la relation du public avec la saga ou la relation entre les différents protagonistes, certaines nouvelles séquences faisant miroir avec les plus célèbres de George Lucas, le Réveil de la Force est un véritable passage de relais entre deux générations. Certains spectateurs se sentiront frustrés par l’impression de revoir le même film. Mais cela était presque nécessaire afin de replonger dans la saga et permettre aux novices de la découvrir. Il n’est pas impossible que de nombreux spectateurs apprécieront Star Wars grâce à cet épisode. Ce parti pris était risqué et pouvait potentiellement déplaire aux fans hardcore. C’était mon cas. Cependant, pour ne pas bouder mon plaisir, il fallait en faire abstraction. Je mets ma main à couper, que les projections suivantes n’en seront que meilleures pour la grande majorité, du moment que l’on se glisse plus dans la peau d’un fan boy que d’un cinéphile. Honnêtement, cela fait du bien, surtout dans une année 2015 aussi dure, de se laisser un peu infantiliser par ce spectacle. Tout le film est ce que Star Wars représente de mieux, du rêve, du divertissement et s’inscrit dans la continuité des trilogies précédentes. A propos de la continuité, il faut aussi évoquer le côté fan service du film. JJ Abrams aurait pu se vautrer dans ce procédé facile, mais le script a l’intelligence de n’en faire que très peu. Je ne dis pas qu’il n’y en a pas, mais il est toujours placé sous un angle humoristique et décalé. Ce qui aide souvent à faire passer la pilule. Le film s’inscrivant à la suite du Retour du Jedi, il est normal de retrouver de nombreux points communs aux trilogies précédentes. Il s’agit du même univers, ce n’est donc pas toujours du fan service. JJ Abrams, show runner avant d’être réalisateur, parsème également son film de pistes (probablement fausses pour la plupart) et de easter eggs pour les fans, qui donnent envie de le voir plusieurs fois, mais aussi de découvrir au plus vite les prochains épisodes. Surtout après l’acte final et son cliffhanger. Ce final est très déconcertant et nuance fortement la bonne humeur et l’humour présent dans la globalité du film. Pour ne pas spoiler, je n’en dirai pas plus.
Le Réveil de la Force n’est pas parfait. L’attente, la hype engendrée par une campagne publicitaire abusive (intrusive même), tant la firme aura marqué de son emprunte le quotidien de tous (publicité partout, jusque sur les paquets de céréales ou d’eau minérale, des boites aux lettres de la Poste…), le peu de risques pris, un certain manque d’originalité et plusieurs années d’absence dans le paysage cinématographique font que l’on peut sortir déçu de la séance. Mais grâce à son nouveau casting, Daisy Ridley et John Boyega portent le film sur leurs jeunes épaules, accompagnés d’un nouveau droïde (un parent éloigné de Wall E?) et de personnages anciens retrouvés, la fibre nostalgique s’éveille et on en redemande. En tant que divertissement pur, le film est une vraie réussite. Dans le contexte actuel, dans lequel Hollywood semble enclin à ne proposer que du recyclage de vieilles franchises (le plus souvent raté :Terminator Genysis ou Jurassic World), certains réalisateurs arrivent tout de même à raviver la flamme de l’entertainment, à réveiller la fibre nostalgique et offrir une vraie proposition de cinéma (Mad Max : Fury Road).
JJ Abrams se situe un peu entre les deux. Il excelle dans l’art d’imiter et nous l’avait déjà prouvé avec Super 8, lettre d’amour aux productions Amblin et pour le cinéma de Steven Spielberg en particulier, mais ne s’en détache jamais suffisamment. Il réalise avec Le Réveil de la Force une sorte d’aboutissement dans ce domaine et probablement son meilleur film à ce jour. Ce qui est d’autant plus dommage, c’est qu’il ne réalisera pas l’épisode suivant. J’aurai aimé le voir couper réellement les ponts, s’affirmer comme vrai cinéaste et prendre plus de liberté vis à vis de ses modèles. La réplique de Kylo Ren devant le casque de Dark Vador prend d’ailleurs beaucoup de sens : « I will finish what you started », comme si JJ Abrams s’adressait directement à son mentor.
STAR WARS VII, Le Réveil de la Force, J.J Abrahams, Durée 2h16, 2015, production américaine, sortie le 16 décembre 2015.
Acteurs principaux: Daisy Ridley, John Boyega, Adam Driver, Harrison Ford, Oscar Isaac, Carrie Fisher, Mark Hamill
Texte: Arnaud
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