SOEN + GUESTS @ LE GLAZART – 12/10/15

Nous sommes lundi, et on a encore du mal à se remettre de la soirée qu’on a vécu la veille avec Orphaned Land. Et pour l’ex-provincial que je suis, j’ai juste envie de dire, putain qu’est-ce qu’il fait bon vivre en Région Parisienne, ce mois d’octobre nous aura sacrément gâté, fans de metal progressif que nous sommes. Entre Haken & Between The Buried And Me, Leprous il y a peu, Orphaned Land donc, et ce soir Soen, nous ne pouvons que saluer le travail gigantesque de Base Prod & d’Access Live pour nous proposer la crème de la crème d’un genre trop rare en festival (si on met de côté l’Euroblast où la plupart des groupes cités se produisaient ce même mois).

C’est aussi une soirée particulière pour moi car, fidèle parmi les fidèles des Stoned Gatherings, c’est la première fois que je me rends au Glazart pour écouter autre chose que du stoner (ou doom ou sludge), c’est un donc un sentiment un peu bizarre, mais avec beaucoup d’attentes, notamment sonores car j’espère que l’ingé son assurera pour un metal progressif qui interdit la moindre « défaillance », en bâtissant un équilibre parfait entre chaque instrument et la voix qu’on a tendance à très peu entendre dans cette salle. On a donc hâte d’arriver et de prendre nos marques histoire de pouvoir apprécier le show de la meilleure des manières et de pouvoir rendre un report le plus pertinent possible.
Sauf que, comme d’habitude, à moins de partir deux heures avant, on se tape une nouvelle fois quantités de bouchons et on arrive alors que les hollandais de Shiverburn ont déjà commencé à jouer.

SHIVERBURN est un jeune groupe (2013) originaire de la petite ville d’Helden aux Pays-Bas. On retrouve aux postes de guitaristes Ewin et Martijn, Gerrit à la Bass, Luigi à la batterie et Sanne, seule fille du groupe, au chant. Et concernant leurs influences, et ça en aura fait bondir certains, on retrouve notamment Nickelback, Paramore, et Halestorm, dont les ressemblances sont parfois flagrantes, mais j’aurai le temps d’y revenir tout à l’heure. Leur discographie s’étoffe peu à peu car après un 1er EP intitulé « One Step Closer », et un système de crowdfunding, le groupe est parvenu à obtenir de quoi financer son premier album intitulé « Road to Somewhere » pour une sortie à venir.

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Bon, pour tout vous avouer, en arrivant je faisais partie de ces sceptiques, et l’écoute préalable de leur single « One Step Closer » qui m’avait disons-le, pour être poli, agacé. J’avais donc hâte de changer d’avis quant à la qualité du groupe. Sauf qu’en arrivant, ça commence mal, je ressens un malaise vu que, habitué à ce qu’on soit 4-5 photographes maximum au Glazart, à notre arrivée, on retrouve presque plus de « shooters » que de public, vrai sentiment étrange, on va mettre ça sur le compte de l’heure précoce du début de la soirée, et se concentrer sur la prestation du quintet et voir s’ils parviennent à nous convaincre. On ne va pas juger les 2 premiers morceaux exécutés vu qu’on arrivera en plein milieu du 2ème, « sick of waiting », mais ce qui frappe d’emblée, c’est que l’influence d’Halestorm n’est pas que musicale. On retrouve en effet beaucoup de Lzzy Hale dans l’attitude et le look de Sanne (de l’abondance de mimiques et le combo perfecto/legging), même si on reste sur une posture bien plus sage, bien moins femme fatale que la frontwoman américaine, et c’est cette influence qui me crèvera les yeux durant tout leur set, du moins pour le visuel. Parce que musicalement, malgré toute l’énergie dont ils vont faire preuve, et qui est super appréciable au demeurant, à l’image d’un titre comme « fighters », c’est bien plus à Paramore qu’on pensera, voire parfois à Avril Lavigne sur « one step closer » (oui oui, ça fait mal à lire autant qu’à écrire), et les « oh oh oh » dans le refrain de « last on standing » j’y suis quasi hermétique.Shiverburn IMG_7711

Pourtant, comme je l’ai dit, le groupe se donnent beaucoup, ils sont super agréables, souriants et on sent qu’ils en veulent. Qui plus est, Sanne chante extrêmement bien et ses musiciens semblent maîtriser leur sujet. Mais voilà, ça reste un peu trop lisse, trop « gentil » pour moi, trop « radio-friendly » peut-être, mais je suis sûr que ça plaît et va énormément plaire, parce qu’ils ont énormément de potentiel (et les titres du prochain album sont vraiment bons), et la réputation des Pays-Bas en matière de metal un peu pop n’est plus à faire (Delain notamment) donc je pense qu’il faudra compter sur eux dans les années à venir s’ils parviennent à construire leur identité. Reste à voir comment ils vont évoluer, quel chemin ils vont choisir d’emprunter : ajouter un peu de « rugosité » dans leur son ou continuer sur ce créneau, dans les deux cas ça va marcher je pense. En tout cas, même si j’ai bouffé trop de doom et de sludge (ça laisse des traces) pour avoir adoré le son de Shiverburn, j’ai néanmoins passé un très bon moment, et putain qu’est-ce que ça fait plaisir de voir des musiciens qui semblent vraiment être contents d’être là, merci pour cette fraîcheur

J’étais bien moins sceptique quant à ce qui va suivre, j’étais même super confiant quand on connaît un peu l’œuvre d’un groupe comme LIZZARD. En effet, ce combo atypique (j’y reviendrai) originaire de Limoge parvient à faire peu à peu son trou à force d’albums géniaux et hyper bien produits ainsi que par une abondance de concerts. Le tout pour faire partie à mes yeux des 3 meilleurs groupes français « influencés par Tool » actuels, avec Klone et les toulousains de Naïve. Et comme ces deux derniers, LizZard a su associer à leur musique, un visuel, une esthétique dont le clip de « Vigilent » est un parfait exemple.

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C’est donc dire si j’avais hâte d’enfin pouvoir les écouter en « vrai », mais promis, j’essaierai d’éviter toute comparaison avec la bande à Maynard, vu que ce serait trop réducteur (comme ça le sera pour Soen dans la suite de ce report) pour me focaliser sur ce qui fait leur singularité, et puis ça doit les soûler à la longue. On retrouve donc avec plaisir Mathieu, au chant et à la guitare, William à la basse et enfin Katy à la batterie, pour une jolie leçon de prog-experimental-art metal. Et ça commence fort avec une première leçon de tapping sur le titre « aion », histoire de dire « prenez-vous ça dans la gueule », et ça fonctionne ! Pour enchaîner sur « bound », où je prendrai énormément de plaisir à retrouver des éléments très « soungardeniens » mais également un peu de The Safety Fire, pour ceux qui connaissent, et tout en restant sur l’album « Majestic » avec « The roots within », LizZard continuer d’alterner les rythmes, histoire de vous déboussoler un peu plus, ils vous emmènent là où ils veulent, et je pense que c’est ça que j’aime le plus chez ce groupe. Car en effet, je ne trouve rien à jeter, j’aime qu’on me transporte, me déroute, le tout avec une facilité déconcertante sans volonté de faire de la démonstration. L’abondance de passages atmosphériques y contribue sans doute beaucoup, sur « skyline » & « loose ends », vous êtes captivés par le ronronnement de la basse de William, et si vous avez trop écouté du Tool, vous cherchez de quoi vous rassasier ou de quoi dire « ils ont tout pompé sur Tool ». Sauf que vous vous rendez compte que vous vous plantez, et qu’à moins d’être de super mauvaise foi, vous prenez votre pied, hypnotisé par le jeu de la véritable guerrière qui se trouve derrière la batterie, parce que mon dieu que Katy est impressionnante, tellement de fougue et de charisme, bien plus que la plupart de ses collègues masculins, et du début à la fin du set on restera bouche bée face à un tel spectacle.

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Mais je perds un peu le fil. J’ai pu souligner l’impressionnant jeu de Katy et William, mais force est d’admettre que Mathieu est bluffant de technique, le mec sait tout faire et chante superbement bien, et il déconne entre les morceaux, démontrant toute la simplicité du groupe, qui pourtant musicalement aurait le droit de se la péter un peu, surtout quand ils sont capables de pondre des tubes comme « vigilent » avec ses éléments criés impeccablement distillés, et « the orbiter ». Et histoire de conclure en beauté, on aura droit à « twisted machine » qui achèvera de mettre notre tête en vrac. Grandiose est sûrement le terme adapté, et on peut remercier l’ingé son qui a su répondre à nos grandes attentes, en faisant un travail remarquable. Un grand moment.

Et là on se dit qu’on pourrait très bien terminer la soirée là-dessus, on a largement eu notre dose de plaisir. Sauf que le morceau le plus attendu est à venir avec les suédois de SOEN, sans grosse attente, la ponctualité est décidément exemplaire ce soir, comme toujours quand c’est Base Prod qui organise. Pour tout vous dire, j’ai une affection particulière pour Soen, déjà pour ce côté « all-star band » qui a su réunir à ses origines Steve DiGiogio, Martin Lopes et Joel Ekelöf, ensuite parce que Cognitive à sa sortie m’a mis une sacrée baffe par la basse de Steve et la voix envoûtante de Joel, et enfin parce que j’en ai vite eu marre qu’on les compare à Tool avec un certain air méprisant, comme si ces gens leur demandaient sans cesse de faire leurs preuves et qu’on avait pas le droit de sonner « un peu comme », ça devient vraiment insupportable, et j’ai tendance à apprécier un peu plus les outsiders. Surtout que Maynard & co ont laissé la place libre à toute leur descendance, et on sait à quel point elle a été importante. Et puis tant on peut juger de la qualité des albums des groupes comme Soen, on ne sait toujours ce que Tool va nous pondre, si leur prochain album sort un jour…et je ferme cette grande parenthèse coup de gueule pour reprendre le cours de mon récit.

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Comme bon nombre de « all-star bands » le line-up a tendance à être relativement instable, et après les départs de DiGiorgio (basse) puis de Kim Platbarzdis (guitare), j’étais très curieux, avec un poil d’appréhension de voir leurs remplaçants que sont Stefan Stenberg pour le premier et Marcus Jidell, membre d’Avatarium et ex d’Evergrey notamment. Et « Delenda » sera un titre parfait pour mettre les choses au point…Ok, la moindre crainte va disparaître, ce son de basse est toujours magique, et même si on n’entend pas assez à mon goût la voix de Joel face aux instrus, ça promet d’être bluffant. Et après avoir entamé par un single de l’album Cognitive, autant continuer sur un single de Tellurian, avec « Tabula rasa », et ça fonctionne tellement bien, j’aurais du mal à dire du mal à une setlist dont j’adore tous les morceaux même si j’ai un peu moins écouté leur second album (l’effet de curiosité/surprise ayant un peu disparu), et aussi bon soit-il, je trouve qu’un titre comme « ennui » (et j’interdis tout jeu de mot) est moins percutant qu’un « canvas » ou encore qu’un « kuraman », pourtant tiré du même album et hyper efficace. Mais ce que j’aime par-dessus tout dans Soen l’élégance d’un Joel Ekelöf, peu bavard et expressif que ses compagnons, mais qui parvient à tomber le masque de temps en temps, visiblement content d’être là et de partager avec nous sa mélancolie.

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Pourtant, on aurait pu imaginer des musiciens plutôt statiques, c’est sans compter sur un duo Marcus/Stephan, tous les deux déchaînés, multipliant les poses et les jeux de regards, accompagnés d’un Lars Åhlund qui troquera de temps en temps son clavier pour une guitare et venir s’amuser avec les photographes. Donc pour ceux qui s’attendaient à un groupe froid, c’est plus que raté, et encore plus quand ils décideront d’entamer « savia » , par lequel la plupart des fans ont découvert le groupe et dont le refrain sera repris à l’unisson, ou presque. On pourrait penser qu’après ce déluge de « classiques », les 5 suédois (bon, pas Martin Lopez, vous m’excuserez), en finirait. Erreur, le groupe en a encore sous le coude et quelques merveilles à nous balancer, à l’image d’un « void » d’une douceur incomparable et dont les percussions du duo Martin/Lars continueront de nous emmener dans un sentiment proche de l’extase auditive et ne nous rappeler, au cas où on l’aurait oublié, leur influence toolienne par le divin et ultra attendu « fraccions » dont l’outro a cappella ferait dresser les poils du plus blasé d’entre nous. Désolé, le sieur Ekelöf est un excellent chanteur, et il le prouvera également sur « the words » lors du rappel, hyper touchante qui transpire la mélancolie avant de conclure par un « pluton » nécessairement plus pêchu, même si personne ne leur demandera jamais d’être un groupe festif, bien au contraire, parce que c’est dans ce registre là qu’ils excellent, tack Soen!

Conclure après ça ne va pas être chose aisée. On a eu quelques inquiétudes concernant Shiverburn et le son de Soen. Au final on a été plutôt séduit et rassuré donc… Et pour ceux qui comme moi n’avaient pas eu la chance de voir LizZard sur scène, c’est une immense satisfaction et une confirmation quant à leur niveau. Alors c’est tout sourire que l’on repart du Glazart, même si on regrettera que la salle ne soit qu’à moitié pleine alors que ça aurait mérité bien plus.

Dommage pour ceux qui ne sont pas venus parce qu’ils ont raté une excellente soirée, une nouvelle fois parfaitement orchestrée par Roger et l’équipe de Base Prod, décidément toujours dans les bons coups ces derniers temps, alors merci à eux, comme au Glazart, pour avoir été ce magnifique temple du metal progressif en cette soirée d’octobre.

Texte: Mats

Photos: Mélanie

Setlist Soen :

1. Delenda
2. Tabula rasa
3. Ennui
4. Canvas
5. Kuraman
6. Savia
7. Void
8. Fraccions
Rappel :
The Words
Pluton

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