ORPHANED LAND + GUESTS @ LE ZEBRE DE BELLEVILLE – 11/10/15

Quelle semaine décidément ! Commencer par un concert magistral de Leprous et finir par une soirée avec ORPHANED LAND, difficile de rêver plus belle conclusion, de surcroît par un concert acoustique. Qui dit date exceptionnelle & atypique, dit lieu qui l’est tout autant et c’est le Zèbre de Bellevile, petit cabaret du 11e arrondissement de Paris, qui a été choisi pour permettre au quintet israélien de s’exprimer « unplugged ».

Comme il fallait s’y attendre, le concert a très vite affiché presque complet, et un second set a été ajouté dans l’après-midi, pour le plus grand plaisir des fans qui n’avaient pas pu trouver de place, si ça s’appelle pas respecter son public…public extrêmement éclectique d’ailleurs. Là où les hordes de metalheads étaient légions lorsqu’ Orphaned Land a assuré la première partie de Blind Guardian en Avril dernier au Divan du Monde, ce sont des fans de tous horizons qui se presseront dans la salle parisienne, nouvelle preuve que le combo originaire de Petah Tikva sait être universel, mais j’y reviendrai. Et c’est après un bref passage au merch’, aux tarifs rédhibitoires, que nous rejoignons le devant de la scène pour accueillir les italiens d’Evenflow, après avoir pu contempler l’intérieur du cabaret parisien, délibérément kitch mais ô combien charmant…

C’est donc en Italie, et plus particulièrement en Sardaigne, que nous emmène Even Flow, quatuor formé à la fin des années 90 et emmené par Pier Paolo (chant/guitare), assisté par Alessandro (guitare), Gavino (basse) et enfin Giorgio à la batterie, frère de Pier Paolo. Loin d’être spécialiste du groupe, que je découvre presque ce soir, j’avais juste entendu quelques titres çà et là il y a quelques années sans que ça m’ait laissé un souvenir impérissable, et j’avais notamment eu du mal avec cet accent italien trop prononcé. Cette session de rattrapage tombe donc à point nommé, et les conditions semblent être parfaites pour me refaire un avis. Et autant vous le dire tout de suite, j’ai été plus que séduit par les 5 titres proposés par le groupe. L’acoustique leur va vraiment bien, et les envolées vocales sur un titre comme « strong », font forte impression, mention spéciale à la basse à 5 cordes de Gavino qui fera des merveilles au cours de tout ce set.

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Mais c’est avec « believe » que le groupe parviendra à plus me captiver, sur lequel on entendra des accents très « vedderiens », hasard ou pas quand on se rappelle du titre « Even Flow » du groupe de Seattle…Timide, le groupe est néanmoins souriant et nous propose même un titre de leur nouvel album, avant de repartir sur deux de leurs classiques que sont « fly » puis « ancient memories », bien plus touchants dans la configuration optée ce soir, mais ça reste un ressenti personnel. On a tendance à dire que l’exercice acoustique est souvent révélateur, et Even Flow a su plus qu’enthousiasmer le public, donc…une réussite, qui nous aura aussi permis d’apprécier l’acoustique de la salle, tout simplement parfaite et qui promet pour la suite de la soirée.

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Dans un autre genre, ce sont les allemands de Molllust qui se préparent à monter sur scène. Et si comme moi vous avez eu du mal avec la version album des morceaux, ou plutôt que vous n’y êtes pas sensibles, votre avis sur le groupe risque de changer si vous avez la chance de les voir dans la configuration de ce soir, sans batterie, avec juste deux violons, un violoncelle, un piano et une guitare.

Inconnus pour la plupart d’entre nous jusqu’à aujourd’hui, ce combo originaire de Leipzig n’a pourtant rien d’un groupe d’inconnus. Si je vous dis formation allemande fondée au début des années 90, originaire de Munich et emmenée par un certain Asis Nasseri…vous pensez évidemment à Haggard. Alors quand on sait que Janika (chant, piano) et Frank (guitare/chant) en sont deux membres, vous vous doutez des compétences tant musicales que scéniques de Molllust…Compétences qui vont être immédiatement mises en avant par une Ouverture dantesque qui va mettre tout le monde d’accord, même les plus sceptiques, avant de nous lancer toute une série de titres exécutés avec une maîtrise presque insolente, avec entre chaque, des interludes, en français je vous prie, où Janika va nous abonder d’explications, nécessaires, avec un délicieux accent allemand, bien que parfois plus qu’alambiquées. Et malgré un côté grand-guignol pour certains, avant-gardiste pour d’autres, suivant votre sensibilité à ce type de musique, à l’image d’un « König der Welt » où Frank, portant sa couronne, ira se balader dans le public.

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Le groupe aborde des sujets sérieux, tantôt sociaux ou existentiels (l’immigration, l’égoïsme, la vanité…dans des titres comme « number in a cage » ou « Lampedusa), sans jamais pour autant renier son héritage classique lorsque Janika nous interprétera son sublime « ave » de Bach, servi par l’acoustique fantastique du Zèbre. Une prestation sans faille donc, par des musiciens à la fois expressifs, décontractés et généreux, qui auront su séduire même les plus réfractaires, à part peut-être les 3 crétins bourrés au bar, incapables de se taire, malgré les nombreuses demandes du groupe, en vain, dommage, d’ailleurs même Kobi Fahri n’y arrivera pas, c’est dire. Mais revenons à des choses plus intéressantes, et préparons-nous à accueillir Orphaned Land.

Ce sont les membres du Stimmgewalt Choir (en version réduite à 6 au lieu de la douzaine qui compose le groupe) qui entrent d’abord en scène pour nous interpréter quelques titres a capella, histoire de montrer tout leur talent, de la chanson épique « Last Night of the Kings » de Van Canto, à la chanson à boire « beer, beer, beer », et putain, je dois admettre que c’est impressionnant, tantôt touchant, tantôt drôle, le groupe donne de sa personne et rend un exercice parfois vite chiant (désolé pour les fans, mais Van Canto au bout de 3-4 morceaux je décroche) extrêmement sympa. Mention spéciale à un Aleksi Parviainen, solide leader qui, par son charisme et sa volubilité, rendra cette découverte musicale encore un peu plus agréable, et ce même si on regrettera l’absence d’un Hallelujah que l’on espérait tant voir chanté avec le leader israélien. On aura d’autres raisons de se réjouir car Orphaned Land commencent à s’installer, tandis que le Stimmgewalt vient se placer en arrière pour en assurer les chœurs.

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Je ne vais pas vous le cacher, j’aime passionnément Orphaned Land, ils font même partie de mes 5 groupes préférés, c’est donc avec un plaisir non dissimulé que je retrouve le groupe pour la seconde fois cette année, dans des dispositions qui me plaisent bien plus, car même si le concert avec Blind Guardian a été génial, ne voir jouer Orphaned Land qu’une grosse demi-heure était plus que frustrant… Fort heureusement ce soir, point de frustration, ou presque, même si Kobi semble un peu fatigué, compréhensible si le concert de cet après-midi a été aussi intense que celui auquel on aura assisté ce soir, on va avoir droit à un déluge d’hymnes issus de l’album « All is One », mais pas que, en débutant par « The Simple Man » qui va nous donner la teneur de l’heure qui va suivre, à savoir un son impeccable et un Stimmegewalt qui va remplir son rôle avec brio. Vous avez du mal à contenir votre joie, encore un peu enfermée sous votre cage thoracique. Sauf que le groupe possède les armes pour vous faire exprimer cette joie que vous tentez de contenir, et avec « All is One » va en remettre une seconde couche, histoire de prendre la température d’un public déjà ultra chaud et qui participe vivement, chantant et tapant dans les mains, et permet de constater une nouvelle fois que Chen Balbus remplace parfaitement Yossi Sassi à la guitare. Et à croire (je n’ai pas eu l’occasion d’aller vérifier) que tout l’album a été écrit pour l’acoustique, avec « Let the truce be known », le groupe (aidé par un Stimmgewalt impeccable) continue à jouer sur notre corde sensible comme peu en sont capables, et ce même si le conflit au Proche Orient ne nous concerne pas directement.

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Ces conditions particulières leur permettent aussi de distiller çà et là des petites pépites issus des albums précédents, que sont «Olat Ha’tamid » (dont là pour le coup, les youyous de Yossi me manqueront un peu) « A’salk » que j’aurais adoré entendre chanter par Shlomit Levi, mais c’était histoire de pinailler, parce que cette première partie de set a été un vrai bonheur. Kobi prendra ensuite un peu de temps pour parler du conflit qui bouffe l’Israël & la Palestine, toujours aussi juste, toujours aussi pertinent & fédérateur (j’en dirai pas plus et ne prendrai par le risque d’une analyse géopolitique), et qui permet d’introduire la chanson qui va faire en sorte que vous êtes à deux doigts de chialer, autant par cette mélodie encore plus touchante dans ces conditions de live, que par ce texte chanté par Kobi, imparable, tout en continuant d’introduire des petites touches de « Orwarrior » et de « Mabool», cette fois avec « Bereft In The Abyss » puis « Building The Ark », mais pas que vu que « El Meod Na’ala » permet de revenir dans les années 90, histoire de couvrir l’ensemble de l’histoire du groupe, ce qui n’avait pas été possible en mars dernier. Ce trio de douceurs (parce que parfois je me lance dans des métaphores culinaires, pardon), transition idéale avant un « New Jerusalem » sublime, qui permettra d’apprécier la complicité entre un Uri (Zelchan-basse, que je n’avais jamais vu autant souriant) et un Matan (Shmuely-batterie), qui se moqueront, visiblement atterrés, à plusieurs reprises des guignols au bar qui continueront à gueuler pendant tout le set…

Le temps passe à une vitesse folle, mais le groupe a encore des choses à offrir, un de leurs « tubes » en premier lieu avec « Sapari » puis l’épilogue de « Orwarrior », morceaux qui solliciteront mains puis voix du public, histoire de lui permettre de montrer qu’il lui reste encore un peu d’énergie, et ça oui il en a, ce qu’il prouvera lors d’un rappel tout en contraste composé de leur touchant « The Beloved’s Cry » (parce qu’on est à Paris et qu’une chanson d’amour s’imposait, c’est le groupe qui le dit) avant de conclure avec LE classique « Norra El Norra », tellement puissant, largement aidé par un public sautant allégrement, et qui aura été dans l’ensemble irréprochable, dans une communion totale..

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Très souriants, je veux dire encore plus que d’habitude, et il y a de quoi vu l’accueil reçu partout où ils se rendent, Orphaned Land est un des rares groupes de métal à avoir su fédérer quantités de fans venus de tous horizons, loin d’être limité à une fanbase composée uniquement de metalheads. Car même si leur musique est primordiale, leur message de paix est universel, et touche bien au-delà des clivages habituels. Et si pour beaucoup, c’est peut-être le seul groupe de metal qu’ils aiment écouter, sans doute parce qu’il est bien plus que ça, dire que ce sont des musiciens est presque réducteur, tant ils semblent être un symbole, celui de l’Art et de la Culture plus forts que les différences et que la politique.

Le cadre offert par le Zèbre de Belleville et par Access Live aura permis de donner encore plus de puissance au message diffusé par le groupe… alors du fond du cœur, merci pour eux, merci pour nous.

Texte: Mats

Photo: Melanie

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