RENCONTRE AVEC FRED ET YANN DE MASS HYSTERIA

En attendant la parution de leur 8ème album, Matière Noire, nous avions rendez-vous le 7 octobre avec Fred et Yann, les deux guitaristes de Mass Hysteria, dans un café de Pigalle pour discuter un peu de la façon dont ils appréhendent cette nouvelle sortie. Ils nous ont parlé d’exutoire, de mastering, des Victoires de la Musique, des années 1990 et de Bring Me The Horizon.cover-mass-hysteria-matiere-noireLorsque l’on voit la pochette du disque, on comprend que le titre « Matière Noire » fait référence au pétrole. C’est bien ça ? Pourquoi ce titre ?

Yann : Non la matière noire c’est les espaces inconnus de l’Univers. Mouss en parle dans une de ses chansons, mais le visuel n’a rien à voir avec la chanson. Le visuel a été fait à part parce que les textes arrivent après de toutes façons. Le visuel est purement artistique. Vu qu’il avait une chanson qui s’appelait comme ça, et vu le visuel, on a appelé l’album comme ça.

Fred : C’est des parallèles aussi avec tout ce qui peut nous écraser dans la société, voilà tout un tas de choses que chacun peut trouver dans les textes. C’est un ensemble de choses en fait.

Après le succès de L’armée des ombres, n’avez-vous pas eu d’appréhension en vous lançant dans l’écriture d’un nouvel album ?

Yann : Si, si. C‘est dur. Tu te dis… Bon. L’Armée Des Ombres, au niveau du visuel, au niveau de la tournée, tu te dis « Bon, qu’est-ce qu’on va faire ? ». Et puis en fait, tu t’y remets petit à petit, en essayant de faire pareil, en te disant qu’il faut que ça soit mieux. Donc t’es encore plus indulgent avec toi-même, et puis voilà, ça donne ça. Après, on le fait avec passion et on a travaillé de la même façon.

Et vous n’avez pas eu la tentation de vous arrêter là ? En vous disant que là c’est un peu l’apothéose ?

Yann : Non. Il y avait encore des choses à dire. Pour moi, avec les années qui passent, on dit plein de choses, ça reste notre exutoire le plus puissant, donc on n’a pas vraiment envie que ça s’arrête. Et tant qu’on a des gens qui nous suivent, on essaie de leur donner ce qu’on peut.

Avez-vous eu des éléments précis d’inspiration pour l’écriture ?

Yann : Non c’est un mélange de tout. Plus les années passent, et plus t’as d’influences. Le maître-mot est toujours un peu le même : c’est des morceaux qui sont taillés pour les concerts, et si ça marche sur album tant mieux. Mais c’est vrai que moi je compose vachement en me disant… C’est marrant tu vois, dans le reportage sur Foo Fighters, je sais pas si tu l’as vu, y a où Dave Grohl se demande « Comment je pourrais faire sauter les gens ? » et donc il s’amuse à sauter en composant son riff. Moi je fais jamais ça, mais je pense un peu comme lui, je fais assez gaffe au tempo.

Donc la musique arrive largement avant les paroles ?

Yann : Ah largement ! Bien souvent, les paroles arrivent  en studio !

Fred : Au dernier moment on découvre l’aspect chant.

D’ailleurs en parlant du chant, il y a pas mal de chœurs sur l’album, d’où est-ce qu’ils viennent ?

Fred : Ah bah on se met soit à plusieurs, soit c’est Mouss qu’on démultiplie.

Non mais les chœurs féminins ?

Yann : C’est des samples ça.

Fred : Ah oui, les trucs qui font « ah / ah / ah » (il chante, ndlr), ouais c’est des samples.

L’album a été masterisé par Ted Jensen, qui a travaillé pour les plus gros groupes du monde du metal, comment s’est passée la collaboration avec lui ?

Yann : On a déjà travaillé avec lui sur L’Armée Des Ombres, l’album d’avant. On avait adoré son travail. Et puis Fred, qui est à la prod, avait bien aimé aussi ce qu’il avait fait. Donc on s’est dit « on va pas changer une équipe qui gagne », on lui a renvoyé un titre, et puis ça l’a fait.

Fred : Tu sais nous on travaille deux mois sur un disque, et lui travaille 6 heures à peu près sur tout le disque. Donc le mastering est hyper important, c’est bien d’avoir le nom du gars qui le fait le mieux au monde, mais son travail il est hyper minime. Les gens se focalisent vachement sur l’aspect mastering et ils ont l’impression que c’est ça la production du disque, je réexplique ça justement pour que tout le monde comprenne. Ted Jensen c’est une des pointures du mastering, on a fait des essais avec d’autres gens, et le petit plus que lui il a apporté, c’est ce qui fait que c’est cool, et c’est pour ça que c’est le meilleur. Mais si tu savais les différences qu’il y a entre les mecs qui font du mastering et qui sont très connus et ceux qui ne sont pas connus, ça ferait halluciner tout le monde.

Yann : Les gens lambda ne l’entendraient même peut-être pas.

Fred : Ils ne l’entendraient pas. Après c’est des gens de confiance, tu sais qu’ils ont fait des milliers de disques très connus, et tu sais que le calibrage se fera à merveille. C’est pour ça qu’on choisit ce genre de personnes-là.

De toutes façons, aucun directeur artistique ne nous a jamais dit ce qu’on devait faire comme musique, c’est toujours nous.

J’ai eu l’impression que la voix était un chouilla moins mise en avant sur ce disque que sur les précédents… C’était recherché ou c’est moi qui hallucine ?

Fred : En avant, tu parles à quel niveau ? Au niveau du sonore ?

Oui voilà, au niveau du volume !

Fred : Un peu plus rentré à l’intérieur. Je crois que c’est un peu voulu, on s’est dit que ça donnerait un peu plus d’agressivité aux chansons de légèrement rentrer la voix. C’est très français en fait, de mixer les voix fortes. Si tu regardes les mixages de groupes américains, les voix sont dedans, très très loin même disons. Parfois c’est même complètement surprenant. T’écoutes des Korn, des machins, la voix elle est… pfiou ! Là on n’est pas du tout dans ce cas de figure-là, la voix elle est tout de même beaucoup plus devant. Enfin à partir du moment où on comprend ce qu’il dit…

Bah on comprend mais on fait moins attention, du coup.

Fred : C’est parce que la musique est plus riche autour aussi. Plus riche que d’habitude. Je pense que ça altère aussi.

Yann : Moi je m’en rends pas compte, vu qu’on les connaît par cœur. Donc quand on écoute, on se dit pas ça.

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Avec Matière Noire, et en fait depuis que vous avez rejoint Verycords, on est face à un son beaucoup plus incisif, beaucoup plus brut, qui rappelle un peu vos débuts, alors que vous avez eu des passages plus « easy listening », notamment lorsque vous étiez chez Warner… Est-ce que cela signifie que vous avez enfin trouvé la maison qui vous ressemble le plus chez Verycords ?

Yann : De toutes façons, aucun directeur artistique ne nous a jamais dit ce qu’on devait faire comme musique, c’est toujours nous. Mais effectivement, ça fait deux disques qu’on est avec une équipe qui déchire. Vraiment, on s’entend super bien, il y a une osmose entre l’équipe du label et nous qui est cool. C’est ce que je disais là, sur Matière Noire, ça fait 22 ans que Mass Hysteria existe, on a été dans des labels qui avaient beaucoup de moyens au début, et là depuis Sony, c’est ma plus belle sortie de disque, en terme de préparation. Je suis vraiment fan de leur travail. Et je le dis.

Fred : C’est un label qui connaît vraiment très bien cette musique-là. On a tous connu les majors à une époque, soit dans Mass ou moi dans d’autres groupes, effectivement ils font aussi Yannick Noah, ce genre d’artistes-là, et ils ne sont pas toujours très spécialisés dans cette niche qu’est la musique qu’on fait. Mais là Verycords ils sont très spécialisés dans la musique qu’on fait parce qu’ils ont toute une écurie de groupes de metal ou plus ou moins metal, donc ils connaissent, et ça, ça change beaucoup de choses. Même s’ils ont des moyens qui sont parfois moins gros, l’envie est plus forte. Ca peut donner des bons résultats, la preuve c’est qu’ils bossent quand-même relativement bien avec l’économie qu’il y a en ce moment, qui est quand-même très difficile dans le disque. Il vaut mieux être dans un label comme ça qui s’occupe bien de toi, plutôt que dans une major qui ne s’occupe pas bien de toi.

“Mais je le dis souvent, même Fred étant là, Nico, moi je l’adore, et parfois sa folie peut nous manquer. Mais effectivement c’est dur de garder un groupe en vie à notre époque. Et quand t’en as un qui tourne un peu en roue libre, c’est juste pas possible.

Comment s’est passée ton arrivée Fred dans le line-up ? J’ai cru comprendre que cela s’est fait très tardivement…

Fred : Je suis arrivé en octobre. Yann m’a passé un coup de fil « Allo mec, est-ce que tu veux rejoindre le groupe ? Avec Nico c’est terminé ». Je ne m’y attendais pas du tout (rires), même s’il m’avait déjà demandé il y a 7 ans.

Yann : Parce qu’en fait, avant que Nico rejoigne le groupe, on avait déjà demandé à Fred. Il avait trop de projets à l’époque.

Fred : J’avais déjà deux groupes (Watcha et Empyr, ndlr), donc c’était un mal pour moi de dire non, en plus aux copains, parce qu’à cette époque-là on faisait déjà des albums ensemble, c’était Une Somme De Détails, je m’en souviens très bien, mais je ne pouvais pas m’éparpiller.

Yann : Il était déjà engagé dans d’autres choses, donc. Moi je connaissais Nico, un peu plus chien fou on va dire, et c’est ce qui l’a perdu dans Mass d’ailleurs, un peu trop punk dans l’âme. Mais je le dis souvent, même Fred étant là, Nico, moi je l’adore, et parfois sa folie peut nous manquer. Mais effectivement c’est dur de garder un groupe en vie à notre époque. Et quand t’en as un qui tourne un peu en roue libre, c’est juste pas possible. Il  y a eu une petite embrouille, il a dit qu’il quittait le groupe… enfin bref, ça s’est concrétisé, j’ai appelé Fred direct, et j’en suis très très content.

Fred : Ouais on se connaît bien, on a fait 4 disques ensemble, enfin ça c’est le quatrième que moi je réalise avec eux. Je connais bien l’équipe, je connaissais  super bien les morceaux, et je les connaissais déjà d’avant parce que moi je tournais avec mes autres groupes avec eux, on partageait les scènes. Donc ça fait très longtemps que moi le son de Mass Hysteria… tu vois… c’est instinctif. Donc la première répète ça n’a pas été laborieux, j’ai pas débarqué dans  un univers que je ne connaissais pas, donc ça s’est fait très facilement.

Donc le concert à Montréal, il n’y a pas eu trop d’appréhension ?

Fred : Si moi j’ai eu un peu d’appréhension, parce qu’on a fini l’album le 31 juillet, le 1er août on a pris l’avion et le 3 on jouait. Sauf qu’on n’a pas trop répété (rires). Parce que moi j’étais avec Mouss en studio en train de faire les voix, les mix de fin, de machins, et puis qu’avant on avait répété pour faire les nouveaux morceaux, mais jamais les anciens. Donc moi je me suis coltiné quand-même 19 morceaux dans mon salon tout seul le soir en rentrant après le studio (rires) pour être prêt pour Montréal, et puis on a fait une ou deux répètes et puis après c’était cool.

 Mi-novembre vous partirez sur les routes pour défendre cet album, il y a-t-il des chansons que vous avez plus hâte d’interpréter sur scène que d’autres ?

Yann : Justement, on est en plein dedans (rires). En répète on joue les 11, mais j’ai envie d’attendre de savoir ce que les gens pensent pour qu’on puisse se décider parce que nous on a du mal à départager. On en a choisi 5 déjà, mais si le public nous demande un des autres morceaux, on ne sera pas contre les jouer.

Fred : Ouais on les travaille tous, et en fonction de la demande on fera plaisir aux gens. Mais c’est dur comme question.

Du coup dans les précédentes tournées vous changiez beaucoup la setlist, et là, pas forcément… ?

Yann : Si, on aime bien. Mais après les gens pensent que c’est évident, mais on a les techniciens, un éclairagiste, un sondier, qui eux ont tous leurs réglages, donc on est un peu obligé de faire en fonction d’eux. On est un peu obligé de prévenir, de préparer un peu le truc. Mais on va essayer de préparer deux ou trois sets différents, pour pouvoir changer un petit peu.

Déjà 17 dates de prévues pour cette fin d’année 2015, et une date parisienne en mars. Retournerez-vous sur les routes en 2016 ?

Yann : Ah oui oui, là on a une première salve de dates jusqu’à Noël, après c’est entrain de tomber de février jusqu’à au moins l’été. Nous on a envie de tourner partout.

Donc on vous verra sur les festivals cet été ?

(Yann acquiesce en hochant la tête)

Fred : Ce sera un an sûr de tournée, peut-être plus si l’accueil le permet.

Vous partirez un peu à l’étranger ?

Yann : On retourne en Nouvelle Calédonie apparemment dans un an. On est entrain de travailler sur le Japon, sur le Québec. Mais le Québec on est quand-même bien installé là-bas. J’aimerais bien qu’on retourne au Heavy MTL cette année.

Fred : Suisse, Belgique, évidemment.

Yann : Après nous, tu sais, vu qu’on chante en français…

En 2013, vous êtes passés dans un journal régional de France 3, mais aussi dans « Monte le son » sur France 4, on a aussi Arte qui couvre depuis quelques années maintenant le Hellfest et le Wacken, etc. Est-ce que vous avez l’impression, avec vos 20 ans de recul, que niveau médias, le metal, ça va mieux ?

Yann : Non, pas sur les gros. T’as effectivement Arte, beaucoup. Moi je suis assez fan de l’équipe, on les avait rencontrés au Hellfest justement parce qu’ils avaient filmé notre concert. Mais je me demande si c’est pas mieux au final que TF1 ne parlent pas de nous, qu’ils restent dans leur coin, avec leur politique à eux. Il y a encore quelques années, j’étais entrain de me battre sur Facebook, en demandant pourquoi le metal n’est pas représenté aux Victoires de la Musique, et puis je me dis que… Je sais pas si on a vraiment notre place dans un univers qu’on n’aime pas trop au final. Je continue tout de même de penser que ce n’est pas normal qu’il n’y ait pas de metal aux Victoires de la Musique alors qu’il y a du jazz. Le jazz ça marche pas mieux que le metal en termes de ventes de disques, mais c’est peut-être politiquement plus correct. Alors que, le jazz n’a pas un festival, à part Montreux en Suisse, et encore il y a beaucoup de metal à Montreux, il n’y a pas un festival de jazz en France qui ramène 50.000 personnes. Pour le metal, il y en a un.

Fred : C’est pas qu’en France. Qu’il n’y ait pas de gros média qui fasse du metal en France je ne suis pas étonné. Ok on est dans la musique traditionnelle française, la chanson française, Noir Désir, le rock français traditionnel. Mais si tu regardes bien,  sur MTV avant il y avait une émission qui s’appelait « Headbangers Ball » et maintenant il n’y a plus, donc c’est bien la preuve que tout s’est cassé la gueule. Alors que pourtant, il y a un potentiel terrible ; il paraît que pour les écoutes de streaming, ce serait le metal qui réunirait le plus de lectures, donc peut-être que ça va revenir. Je vois quand-même, les petits médias, il y en a de plus en plus. Donc à un moment donné, il va se passer quelque chose de plus en plus gros. En France, qu’est-ce qu’on a de plus gros pour faire du metal ? L’énorme TV, « Metal XS », et puis c’est tout.

Yann : La dernière fois qu’il y a eu du metal à la télé, c’est « Nulle Part Ailleurs ». C’était il y a 20 ans, parce que tu avais Stéphane Saunier. Tu sais, dès qu’aux USA t’as un groupe qui vend 15 millions d’albums, ça se répercute sur le monde entier. T’avais des Korn à l’époque, des Sepultura qui marchaient. Maintenant les ventes de disques ont baissé. Moi ça me touche pas parce que je reste dedans, je n’écoute que ça.

Fred : Et puis comme tu dis, c’est paradoxal qu’il n’y ait rien, et que t’ais un Hellfest qui soit dans le top 3 des plus gros festivals français.

Yann : Ca a dépassé les Vieilles Charrues.

Fred : C’est fou. Après, note qu’ils ne font pas ça avec des groupes français, c’est que des groupes internationaux qui ramènent l’engouement général.

Yann : Moi je pense qu’un groupe français comme Gojira devrait être récompensé.

Bah ils sont récompensés ailleurs…

Yann : Ouais en plus ! C’est fou ! Que ce soit Gojira ou d’autres, d’ailleurs.

Il y a encore quelques années, j’étais entrain de me battre sur Facebook, en demandant pourquoi le metal n’est pas représenté aux Victoires de la Musique, et puis je me dis que… Je sais pas si on a vraiment notre place dans un univers qu’on n’aime pas trop au final.

Vos derniers coups de cœur musicaux, c’était quoi ?

Yann : Moi le dernier album que j’arrête pas d’écouter, c’est le Slayer. Je suis fan de Slayer, Converge… J’écoute beaucoup de metal extrême. J’écoute beaucoup Converge, Nails, Trap Them, tout ça c’est la même équipe, c’est le guitariste de Converge qui produit tous ces groupes, j’adore toute cette écurie. Mais sinon j’écoute en boucle le Slayer parce que j’y retrouve toute une intégrité que je ne retrouve pas ailleurs, même si j’écoute beaucoup de choses, mais je suis assez fan de cet album.

Fred : Moi je te cache pas que j’en fais toute la journée, avec mon travail que je fais quotidiennement, donc quand je rentre chez moi le soir, malheureusement je n’ai plus du tout la foi ni l’envie d’écouter du metal (rires). Mais je me nourris toute la journée de tout ce qu’il y a sur les Facebook, les réseaux sociaux, donc j’écoute toujours les dernières choses. Mais c’est vrai qu’en ce moment j’ai un peu de mal à écouter cette musique-là. Après j’ai mes gros classiques, mes grands standards de l’époque que j’écouterai toute ma vie. Mais je t’avouerais que la période actuelle ne m’amène pas des choses où je suis là « Wow ! C’est génial ! C’est complètement dingue ! ». Comme les derniers styles qui sont arrivés dans les années 1990 qui, pour moi, sont vraiment les derniers styles novateurs qui ont rempli des salles. Ca s’est arrêté au neo-metal. Je te dis pas ça en tant que vieux con, mais qui c’est qui a rempli Bercy à l’époque, et depuis pas ? On reste sur les Korn, les Limp Bizkit, les Deftones. C’est les derniers novateurs, qui ont créé un style. Et depuis, on a mélangé les genres, on les a mis dans une casserole, et puis voilà « on fait du deathcore machin ». Oui mais mec, ton deathcore il vient de quelque part. Aujourd’hui on a Bring Me (The Horizon, ndlr) qui fait du Linkin Park. Il n’y a pas vraiment des choses où tu te dis « Wow putain ! Qu’est-ce que c’est que cet ovni ? ». Peut-être parce qu’on n’a plus 14 ans et qu’en vieillissant on devient peut-être un peu plus blasé par rapport à tout ça, mais je reste quand-même persuadé qu’il n’y a pas quelque chose de nouveau qui arrive sur le marché ou qui va tarter la gueule de tout le monde, qui va re-déclencher une économie, des vagues de groupes qui vont suivre derrière, et des salles qui se remplissent. En France, putain, y a plus ça ! Peut-être qu’on a toujours été des suiveurs avec ce qui vient d’outre-Atlantique, depuis des milliers d’années, mais en attendant là y a pas grand-chose qui arrive.

Yann : Sans parler business, tu peux quand-même découvrir des trucs, même si ça te met pas la tarte…

Fred : Nan je suis d’accord, mais tu vois ce que je veux dire ? J’ai découvert le Glam, j’ai découvert le  Thrash, on était là à ce moment-là hein ! On a découvert le Grunge, Rage Against The Machine et toute cette vague-là, après il y a eu le Neo-Metal, et puis quoi après mec ? Il y a eu quoi depuis ? Moi c’est ça qui me gêne. Peut-être qu’il y a des trucs chanmé qui traînent dans les petits tiroirs, mais si t’es pas dans les petits tiroirs… Alors qu’est-ce qui fait ça ? Je pense que c’est aussi l’économie, qui se resserre tellement qu’elle ne peut plus créer des stars. Parce que, qu’est-ce qui fait qu’un groupe est star ? C’est qu’il vend des millions de disques, et qu’en plus il joue à Bercy. Je prends cet exemple-là. Bah il n’y en a plus. Donc on ne peut pas créer des nouveaux genres, parce qu’économiquement, aujourd’hui, ça ne rapporte plus rien. Tout ça c’est la faute des majors à l’époque, qui se sont engraissé la nouille, et qui en réalité ont tué le système, parce qu’en plus ils ont décidé d’arrêter le CD et de créer le streaming, et les lecteurs machin. Tout ça, c’est quelque chose qui est décidé à l’avance.

Yann : Mais justement tu vois, moi c’est pour ça que des Nails, des Converge, des trucs comme ça, justement c’est dans les tiroirs, ils n’en ont rien à foutre d’être des stars, et moi c’est ce que j’aime dans cette scène-là. Les mecs font du monde en concert, j’adore toute cette scène un peu underground.

Fred : Mais moi j’aime les deux, je dis pas le contraire, c’est juste que j’aime bien aussi de temps en temps rêver. Et qui va te faire rêver aujourd’hui dans une salle de concert ? Bah c’est des anciens, c’est des Kiss, parce qu’ils ont un show. C’est pas des nouveaux quoi ! C’est pas des jeunes de 20 ans qui arrivent en mettant une baffe à tout le monde, comme on a pu connaître à une certaine époque. Je pense pas être vieux con en disant ça, je pense que c’est vrai.

Yann : Ouais, tout a été déjà…

Fred : Ouais voilà, et y a Bring Me. Et encore, c’est programmé pour être le plus grand groupe de rock du monde à l’avenir, mais putain c’est quand-même pas glorieux !

Yann : J’y crois pas.

Fred : Même si c’est quand-même cool comme groupe, c’est pas complètement dingue.

Yann : Voilà… Slayer !! (rires)

C’est bien, vous n’avez pas du tout déprimé tout le monde là ! La dernière, parce qu’il faut bien que je la pose… Après plus de 20 ans de carrière, comment faites-vous pour résister à la tentation de l’Anglais ?

Yann : Oh bah tout simplement parce qu’on a un chanteur qui ne peut pas, entre guillemets. Mouss ne se sent pas du tout, parce qu’il dit des choses très profondes en Français, qu’il aime bien faire des jeux de mot, et qu’en Anglais, quand c’est pas ta langue maternelle, tu peux pas. Et vu qu’on a un chanteur pour qui les textes sont assez importants… Mais dès que tu passes en Anglais, c’est tout de suite des mots faciles, tu prends plus la voix comme un instrument que comme un vecteur de messages, donc voilà c’est tout simplement pour ça. Et puis j’aime bien comprendre ce qu’il dit. Je comprends l’Anglais hein ! Mais effectivement, moi dès que c’est de l’Anglais je prends la voix comme un instrument, je vais moins m’intéresser au message. Par exemple, tu prends un texte de Deftones, tu comprends pas forcément ce qu’il dit, mais sa voix est tellement belle que tu te laisses emporter. C’est que des images, un peu comme Radiohead, c’est des textes hyper abstraits.

Fred : Et puis bon, c’est une force de chanter en Français sur notre territoire. C’est la force du groupe. Si ça chantait en Anglais, je pense que le groupe  n’en serait pas là.

Yann : Et effectivement, on aime bien aller s’imposer dans des endroits, genre en Allemagne, en chantant dans notre langue. Après si on veut pas de nous, tant pis, on forcera pas le …

Vous n’êtes pas du tout dans l’optique de chercher d’autres marchés…

Yann : Non. Enfin si, mais dans notre langue !

Fred : C’est déjà dur dans ton pays, alors bon ! (rires)

Merci beaucoup à Fred et Yann pour leur temps, à Olivier de Replica Promotions, et à Verycords pour cette interview.

Interview réalisée par Charlotte

Mass Hysteria, Matière Noire, sortie le 23 octobre 2015 chez Verycords

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