
Catharsis: du grec κάθαρσις, signifie purification. La catharsis est l’épuration des passions qui se produit par les moyens de la représentation artistique en recourant aux “mélodies qui transportent l’âme hors d’elle-même”, le spectateur se libère de ses émotions et éprouve “un allègement accompagné de plaisir”.
Ce terme peut résumer à lui seul la soirée que nous venons de passer. Il y a des dates que nous retiendrons à tout jamais dont celle de notre premier live d’AMENRA en Avril 2014. Depuis, ce groupe occupe une certaine place, à la fois marquante et troublante. Ce soir, c’était de justesse que nous loupions leur prestation, suite à un sold out soudain et rapide. C’est de justesse que nous nous retrouvions à l’entrée du Divan Du Monde. Déjà à l’orchestration en 2014, Kongfuzi proposait une affiche que les passionnés ont su apprécier. Regarde Les Hommes Tomber accompagnait Amenra ce soir pour une promesse de réveil de nos profonds ténèbres enfouis.
Et c’est attendu avec un magnifique visuel projeté en fond de scène qu’on rentre directement dans l’univers de REGARDE LES HOMMES TOMBER, une gravure digne des Flamands du XVIeme siècle, l’apocalypse. Délivrant à chaque passage parisien des shows intenses sous l’égide de leur ancien frontman Ulrich, la formation nantaise revenait ce soir avec un album en main, Exile, mais surtout un nouveau chanteur à sa tête. Donc c’était peu dire que la formation était attendue. Une formation en place musicalement parlant, une scéno différente aux lumières travaillées qui fait encore mieux ressortir le son du groupe alors que précédemment on se retrouvait presque dansant avec les ténèbres. Entre l’Enfer et le Purgatoire, le groupe confirme la puissance musicale qu’est la leur et devient clairement monstrueux. Tout le bien qu’on pensait d’eux n’est plus à douter. Oscillant plus du côté Post black, ça déroule et dérouille. Une batterie apocalyptique et des ambiances qui se veulent, si je ne me trompe, avec un soupçon de mélodie en plus par rapport aux précédentes prestations, ou le son est peut être mieux, qui sait. Le sludge blackesque s’exprime au mieux. Que dire du nouveau frontman qu’est Thomas? Difficile de juger quand on a connu le style d’Ulrich qui, selon mon avis, collait au mieux à l’ambiance et l’univers musical de Regarde Les Hommes Tomber. Quoi qu’il en soit, irréprochable au niveau voix, un chant qui en appelle à l’apocalypse. Dans un style plus black, cheveux longs cachant le visage restant sur son micro, replié dessus tout le long du set. Un style presque à l’opposé de son prédécesseur au “charisme” bien présent qui rendait la douleur palpable, vivante, donnant à chaque set un visage différent. Il manquait donc un quelque chose mettant ainsi un retrait par rapport à l’expérience musicale. Après, il est difficile de juger sur un set, cela viendra progressivement en ce qui nous concerne car au vu de la prestation de ce soir, sans équivoque Regarde Les Hommes Tomber prend un certain poids non négligeable.
C’est encore retourné par leur dernière venue en 2014 qu’il ne nous reste plus qu’à attendre cette décharge émotionnelle qu’on s’apprête à recevoir. Sans l’église complète cette fois-çi, les belges d’AMENRA ne laissent personne indifférent à chaque éprenante musicale qu’ils partagent sur la scène, cet exutoire émotionnel. Et voici, ce symbole qui apparaît en fond de scène, le noir qui se fait dans un silence d’église et c’est un Colin accroupi et de dos qui par ces notes simples et métalliques dévoile Boden et son intro aux guitares latentes. Une explosion des passions éclate, celle qu’on voue à Amenra, à la limite du culte, et celle sur scène qui habite les musiciens. Dos au public la plus totale majorité du temps, dans un refus de cette place qu’est la sienne, celle du frontman. Rien n’est plus important que le groupe ici, Habités par l’instant et la douleur hurlée par Colin.
C’est une lame de fond qui nous traverse, bouleversant la paix intérieure qui était nôtre, sans interruption, ni aucune communication, le groupe joue et délivre. En même temps, sans aucun album depuis, la date s’est affichée rapidement complète. Plus qu’un set, une expérience. On navigue dans les paysages les plus sombres avec cet infime espoir de lumière, porté par chacun des titres qui nous emmènent au plus profond de nous-mêmes. C’est viscéral autant sur le chant que la musique, les visages sont marqués, les esprits au plus profond. Les riffs de Mathieu et Lennart balaient tout sur leur passage, nous étouffent avec lenteur sur “Nowena I 9.10”. Comme pris dans un étau se refermant doucement sur soi, submergé, étouffé par cette chose enfouie remontant à la surface. Exaltant ses sentiments les plus enfouis, les plus douloureux, Colin va chercher la douleur sans artifices, la vivant sur scène, en transe.
“A mon âme” ne sera pas jouée ce soir mais des titres comme “Razoreater”, “Aorte.Ritual” ou “Nous Sommes Du Même Sang” sont tout autant intenses alors qu’il hurle ces émotions qui l’habitent ou les murmurant dans de rares instants paisibles, le visage toujours marqué par l’intensité. Habité, le public l’est aussi, headbanguant sur cette rythmique qui nous malmène, nous brutalise pour notre bien. Car l’expérience est complète au-delà d’être musicale, elle est aussi visuelle : avec ces oeuvres du Church Of Ra projetées sur tout le fond de scène, l’univers du collectif est représenté comme on se le matérialisait. De noir et de blanc, où la lumière peut être aussi sombre que lumineuse et une nature autant brutale que douce. La vie, la mort. La petite mort, c’est ce que tu viens de vivre avec ces frissons envahissants à cette acmé émotionnelle stoppée nette par le final de “Silver Needles, Golden Nails”. Laissé là par le groupe, gisant mais heureux.
Un court set en tout juste une heure mais d’une intensité toujours aussi rare, c’est le prisme de nos émotions qui a transporté l’âme hors d’elle même.
Merci.
Texte: Anthony
SET LIST
Boden
Razoreater
Terziele
Nowena | 9.10
Aorte. Nous Sommes Du Même Sang
Am Kreuz
Silver Needle. Golden Nail
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