
Il y a des dates comme celle-là, dont dans l’espace d’un instant tu ne pensais même pas assister à ça. Les Stoned Gatherings, ce sont habituellement des soirées de découvertes ou de bûches par stères entières mais ce 30 juin 2015 a ce parfum dans l’air qui t’annonce une soirée mémorable, et ceci dès ton arrivée. Ce soir, c’est la claque NOLA c’est EYEHATEGOD et ça transpire déjà au max.
Dès 18h30, dès notre arrivée, une rumeur traînassait sur la plagette, celle que nos amis de la Nouvelle Orléans n’étaient pas encore arrivés, retardés par les grèves du ferry avec la Grande Bretagne mais l’environnement prend déjà des airs de rade du fin fond de la Nouvelle Orléans, un soleil de plomb, des zicos avec des gueules bien marqués, la contrebasse et les instruments qui sentent le vécu et des barbus qui sifflent leur bières entrecoupés de rires bien gras. La quintessence de la buche c’est donnée rendez vous au Glaz’. En attendant c’est Joe Buck Yourself qui balance le son directement sur la plagette en compagnie de son acolyte pour nous faire découvrir Hooten Hailers. C’est redneck , ça groove et et le soleil tape comme il faut. S’en suivra tranquillement Viva La Vox, difficile d’en parler quand on est déjà occupé à boire et retrouver les amis. Mais la question qui commençait à se propager comme la salmonelle dans un resto du quartier latin, Eyehategod viendra ? Viendra pas ? La majorité commençait déjà à se rendre compte de l’inhabituel retard vu l’habituelle organisation cadrée des Stoned Gatherings. Etant donnée l’excellente soirée qui était en train de se dérouler, les inquiétudes ne s’élevèrent pas plus que ça, peut être du au fait qu’on avait une confiance aveugle en la prod pour gérer au mieux…
Et c’est avec une bonne demi-heure de retard sur l’horaire que Joe Buck Yourself pris place dans la salle devant une petite partie du public pendant que d’autres continuaient à se la dorer sur la plagette ou arrivèrent au compte goutte. Les aficionados présents étaient surement déjà là lors de sa date au Klub quelques semaines plus tôt. Vu le succès, la prod le réinvita ce soir et on comprend pourquoi. Du pur redneck possédé, une gueule de punk du fin fond de la Louisiane, Joe est un show à lui tout seul et balance la cadence accompagné de son flight comme grosse caisse et sa gratte. Entre Blues, Punk et autres, on se laisse embarqué par cette voix qui nous envoie directement au fin fond du trou paumé des Etats-Unis, on est pas loin de Delivrance mais comparé aux cajuns du film, Joe a la salle dans sa poche. C’est sale, en sueur, dans un poisseux bien bluesy mais on aime car ça sonne vrai et tout autant en sueur on est dans l’ambiance !! Tu tape des mains, du pied ou de n’importe quoi et tu l’accompagnes, on lui proposa même une grosse caisse pour reposer son flight case mais en mode DIY il s’en foutra et continuera dans du 100% “redneck”. Laissé en roue libre par la prod, il prendra possession, à lui tout seul, de la scène et de l’attention et c’est après plusieurs rappels plus que mérités qu’il laissera sa place avec des applaudissements qu’il ne doit pas recevoir tout le temps vu le sourire qu’il afficha sur son visage.
Après une petite attente passée au soleil et ce mystère régnant en ce qui concerne Eyehategod, c’est Herder qui nous attirera dans les méandres du Glazart. Les hollandais venaient juste de commencer et la lourdeur frappe encore plus fort. Avec la chaleur extérieure, le son nous balance une chape de plomb directement en introduction et bien lourde pour bien nous recevoir. On reçoit des figures du son NOLA, certes, mais en Europe on sait s’y faire en lourdeur bien grasse et anxiogène. Entre brûlot incantatoire et en furie ou lourdeur doomesque, les hollandais balancent lourd pour un set qui prend de court même après les avoir vus il y a peu de temps dans ce même temple du gras. En tout cas, et ce malgré la chaleur, ils sont en forme et transforment la salle en bûcher avec une chaleur devenue presque insoutenable. Entre explosion de noirceur ou lente descente abyssale, les hollandais torturent et savent s’y prendre. Les oreilles en prennent pour leur grade et avec l’excellent Gods, dernier album en date, c’est avec plaisir qu’on se prend ces chapes de plomb sur “Blood From Life”. Herder prend un malin plaisir à ouvrir ces abysses avec ces lignes de basse étouffantes ou à balancer le chaos bien sale dans ces riffs torturés. Un chant lourd et “impeccable” et le groupe est bien content de la montée en température du sauna de la porte de la Villette, ça buche sans concessions et tout le monde y prend son pied.
Mais c’est dans notre plaisir qu’on se retrouvera stoppé net car dans l’incompréhension la plus totale le groupe conclura brusquement son set passant directement au dernier titre, suite à une discussion en aparté, coupé par la production. On apprendra plus tard qu’ils ne respectaient pas les consignes données et c’est un peu bête étant donné la claque qu’on était en train de se prendre en pleine face et surtout la soirée revêt un visage de plus en plus particulier, la chaleur poisseuse, l’attente, la fin brusquée avec Herder et un Joe Buck Yourself qu’on ne trouve nul part ailleurs.
Entre bières et suspense, l’attente se fait dans la détente la plus totale. Mais c’est l’agitation sur scène, on installe du matos, tout le monde met la main à la patte, pourquoi donc ? Et bien il est près de 23h00 et Eyehategod est en chemin, ils arrivent. Et c’est d’un coup que le groupe gara en trombe le van à la sortie de la salle, on déballe les flight cases, juste le temps pour Jimmy Bower de se changer derrière les amplis, c’est branché et la guerre pouvait commencer. Pas le temps de se poser, le temps à Bower et Bower de se synchroniser et c’est une démonstration la plus totale, pas uniquement au niveau musical, ça on sait déjà à quoi s’attendre, mais c’est surtout au niveau du professionnalisme. En dépit des éléments qui se liguaient contre eux, le groupe finira par assurer ses engagements et sûrement remontés par cette journée qui devait être interminable, c’est un déferlement de violence et de larsen qu’ils balancèrent sur un public qui n’attendait plus que ça. Dégoulinant, façon bayou, la sueur mélangée avec l’alcool pour certains. “Agitation ! Propaganda !” ne pouvait pas être mieux choisi. Le guitares sont grasses, c’est sale et ça se déverse dans la salle comme une peste noire. Mike Williams (déchiré), toujours égal à lui même, balance toute la colère de façon frontale. Les notes trainent, collées au corps comme cette sueur qui coule sur tout ton corps.
C’est tout simplement viscéral, ce sont les tripes qui sont lâchées ce soir et après tout ça je m’attendais pas à voir un groupe délivré ça, ils balancent les titres avec la même conviction, recentrant dans les notes toute cette colère accumulée dans la journée. Paris devait avoir sa date, les Stoned Gatherings devait vivre cette expérience. La rage de la Nouvelle Orléans !! “Medecine Noose”, “Parish Motel Sickness” de l’excellentissime dernier album, mais aussi des classiques buchesques tel que le “Sisterfucker” dantesque ou “Burn Her !” repris par tous. On s’en prend de partout, c’est hostile, ça colle à la peau, c’est lourd, purulant, tortueux et juste parfait. Le bayou avec sa nuée de mouches et de moustiques mettent à terre Paris dans une guerre bien sale. Ne cherchant pas à expedier, ni à balancer le service minimum, Eyehategod est là pour engloutir sous la boue et ce jusqu’à la fin et prouvant que c’est dans l’adversité qu’on sort le meilleur de soi même.
La seule ombre au tableau c’est ma couardise car sous l’ultimatum du métro on devait abdiquer avant la fin, j’en suis pas fier car face à moi se tenait un moment mémorable des Stoned Gatherings. Un groupe légendaire qui balança une bonne heure et demi de rage et de sueur en dépit de tout. Le reste, on en a rien à branler, seule la musique compte et c’est exactement ça qui anima la soirée, la passion du gros son et rien d’autre
Ce soir ce n’était pas à Paris qu’on était mais à la Nouvelle Orléans. L’espace d’un instant, les éléments étaient rassemblés pour donner ce parfum d’exception à ce 30 juin 2015 et comme d’habitude c’est une soirée Stoned Gatherings…. Des grosses claques découvertes, chaleur poisseuse, alcool, bayou et un Eyehategod exceptionnel, un cocktail parfait et qu’on oublie pas. Des moments comme ceux-là c’est qu’au Glazart qu’on les vit !
En tout cas un grand merci aux Stoned Gatherings pour nous faire vivre des moments comme ceux là.
Texte: Anthony Tucci
Photos: Cherry Pixs
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