THE PRESTIGE – AMER

En 2012, les parisiens de The Prestige nous dévoilaient leur premier opus, Black Mouths. Dix titres trempés dans un hardcore déstructuré proche de The Chariot auquel le quatuor avait su apporté un soupçon de mélodies bien senties. Bien au dessus de ce qui peut se faire dans la capitale, Black Mouths s’est contenté de satisfaire pleinement un public de connaisseurs. Sans faire de vague, le groupe a su resté simple et travailleur jusqu’à cette année 2015. On ne le répète jamais assez, mais l’étape du second album est décisive pour un groupe. Ainsi, histoire de bien faire les choses, les parisiens se sont tournés vers Laval et plus particulièrement vers Amaury Sauvé pour enregistrer live le successeur de Black Mouths. Un idée judicieuse tant elle a déjà fait ses preuves sur les dernières (excellentes) livraisons de Birds in Row, As We Draw ou encore The Rodeo Idiot Engine. Et devinez qui se cache derrière ces productions, je vous le donne en mille. C’est de cette manière que le tant attendu deuxième album de The Prestige est devenu Amer.

L’ouverture se fait sur fond d’un larsen hypnotisant sur lequel viennent se poser les cris de plus en plus enragés d’Alex. Une entrée en matière qui introduit parfaitement la « Bête Noire » qui va suivre. Déstructuré et frénétique, le morceau est d’une noirceur sans précédent malgré les pointes de mélodies qui le parcoure. Sans faire du Black Mouths à nouveau, le quatuor nous livre un premier titre de qualité et semble prendre le large. Sur Amer, les compositions sont globalement plus mature, plus riches en sonorités : si « Voir Dire » ou encore « Apaches » conservent les ingrédients qui font le génie de The Prestige, il en découle également un côté épique, presque mélancolique, qui nous glace le sang alors que notre cerveau implose. Avec « Enfants Terribles », le groupe coupe en partie les ponts avec qu’il pouvait faire jusqu’à présent et se présente avec un autre visage. Une rythmique empruntée au punk-hardcore, une structure couplet/refrain et un gang vocals qui dresse le poil (« This is the beauty of our loss, running in and out of gold. This is no harbour. ») voilà que le combo parisien nous offre un véritable hymne de moins de trois minutes qui devrait trouver preneur dans les pits les plus sulfureux.

Utilisé comme bande-son de Dark Was The Night, Cold Was The Ground, le documentaire racontant la tournée cubaine du groupe, « Léger de Main » est l’un de ces morceaux qui fait office de pilier d’un album. Le titre s’ouvre sur une ligne de basse abyssale rejointe ensuite par quelques notes de guitares puis une ligne de chant à fleur de peau dont Alex Diaz a le secret. La suite nous emmène gentiment vers une montée magnifique qui puise ses influences dans le post-rock avant un final apocalyptique digne d’une moshpart où le chant frêle a laissé sa place à des cris rageurs. Un morceau fort qui avait parfaitement préparer le terrain aux autres titres d’Amer. « Négligée » est ensuite la première composition à voir The Prestige s’essayer au français le temps d’un couplet où les ingrédients empruntés au post-rock se taillent la part du lion. Ensuite plus rentre-dedans, le titre n’en demeure pas violent pour autant puisque les mélodies tiennent le choc face à l’avalanche de rage et de riffs destructeurs. « Négligée » dégage ainsi des sonorités inédites pour le groupe qui se permet de côtoyer Mastodon le temps d’un morceau qui dégouline de spleen.

Long d’une minute, « Ingénue » est une piste guitare/voix où seul Alex Diaz est présent. Aussi personnel que mélancolique, le titre nous ouvre la porte vers les passages les plus personnels du disque. « Petite Mort » parle de sexe mais d’une manière on-ne-peut-plus délicate. Ici encore, le frontman pousse sa voix jusqu’à ses limites sur fond d’accords noyés dans les effets pour un rendu aussi flou qu’érotique. Du génie. Enfin, « Cri de Cœur » parle de la perte d’un proche et vient clore de la plus belle des manières ce second album. Au départ très rentre dedans, le morceau se calme au fur et à mesure pour nous amener au chef d’œuvre actuel du groupe : une ligne de chant à peine hurlée, des cœurs, des guitares poignantes et une caisse claire qui guide cette montée saisissante jusqu’à ne laisser qu’une seule ligne de piano et Alex Diaz qui s’époumone à nous en faire chialer nos tripes avant le coup de grâce. Écran noir.

On ne ressort pas indemne de ce second opus de The Prestige. Aussi furieux que fragile, Amer est un chef d’œuvre de notre bonne scène française. De bout en bout, l’album est idéalement réparti et nous fait passer par toutes les émotions jusqu’à nous pétrifier sur « Cri de Cœur ». Un disque qui n’en demeure pas moins compliqué à parcourir et à comprendre dans son intégralité (puisqu’il m’a fallu plus de trois mois pour trouver les mots justes, et encore) qui ne fait qu’asseoir leur incroyable maîtrise de la musique, de la mélodie, de la rage… Merci. Pour ça, pour tout et pour le reste.

The Prestige, Amer, (Label Nature Morte), sortie depuis le 20 avril 2015

Texte: Alex Nortier

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