HELLFEST – 20 JUIN – PAR ALEX’

Les longues journées arides de ce Hellfest nous rappellent également à quel point les nuits sont fraîches et humides. Celle du vendredi, qui s’annonce encore plus courte, voit se démocratiser et gagner en intensité les joutes de caddies tandis que les « apéros ! » fleurissent par douzaines aux quatre coins du camping. Et ce, jusqu’au lever du soleil aux alentours de 5h00. A 9h, la tente commence à chauffer puis devient rapidement un endroit dangereux qu’il faut évacuer. Dehors, les premiers festivaliers pointent le bout de leur nez, alors que les guerriers terminent leur voyage ou cuvent déjà paisiblement comme des poissons sur la berge.

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10H00. Une clémentine, une Sköll et direction l’Enfer. Pour débuter ce samedi, c’est un plateau exclusivement français qui s’offre à nous: tandis que Zuul FX occupent une Mainstage, Deep In Hate ouvrent les hostilités à l’Altar – mais notre chemin nous mène vers la Valley et son premier poulain : Machete, un combo du terroir, originaire de Montaigu, à dix-sept kilomètres de Clisson. Une belle occasion que les locaux vont saisir sans tergiverser puisque leur stoner sévèrement burné teinté de noise et de hardcore fait effet d’emblée face à une audience maigrelette certes, mais concernée. Disposant d’une demi-heure de set, Machete ne font pas dans la dentelle et allient parfaitement puissance et énergie au fil que les festivaliers affluent vers la Valley. Forts d’un To Each His Own Temple aussi mature que tranchant, la journée est définitivement lancée lorsque résonne le riff de « Dark Side Of The Jug Of Ale » qui déchaîne la fosse. Après une fin de set toute en apothéose, le groupe prend congé sous une belle acclamation et l’assurance d’un avenir prometteur. Chapeau donc.

Il fait déjà très chaud et un premier retour au camping s’impose. Un pâté hénaff plus tard, nous avons rendez-vous à la Mainstage 2 pour le show des américains de Motionless in White. Arrivé sur le devant de la scène metalcore en 2010, le groupe a ensuite opté pour un changement radical de sa musique en collaborant avec un certain Tim Skold. 12H50, le groupe emmené par Chris Cerulli débarque sur le scène face à un solide fanbase et balance d’emblée ses tubes « Break The Cycle » et « Reincarnate ». Si leurs prestations sous l’ère Creatures étaient discutables, leur nouveau style à cheval entre le gothic-metal et l’industriel leur sied désormais à merveille. Énergiques et efficaces, « Dead As Fuck », « Lost Generation » ou encore « America » défilent alors que le public gagne en volume et en intensité. Mais ce show des américains est en partie dans la poche grâce à un frontman désormais affirmé et parfait dans cet exercice, Chris Cerulli, et son look emprunté à Marilyn Manson, l’énergie en plus quoi. Les fans de la première heure y trouvent également leur compte lorsque résonne le morceau phare de Creatures, « Abigail » avant que « Devil’s Night » ne viennent achever vigoureusement le set de Motionless In White.

A quelques mètres de là, ça s’active sur la Mainstage voisine. Les Irlandais de The Answer grimpent sur scène à 13h35. Véritable sensation hard-rock moderne, le quatuor fantasque ne tarde pas à attirer l’attention avec ses compositions ensoleillées, pleines de nostalgie et parfaitement taillées pour le contexte. D’emblée, « I Am What I Am », tiré du dernier album Raise A Little Hell, et « Spectacular » récoltent les ovations du public. Amateurs ou non, il faut bien admettre lorsque résonne le single « Red » que le son est impeccable et que la prestation débordante d’énergie des Irlandais est véritablement impressionnante. Parfaitement à l’aise dans les transitions, le fantastique frontman Corman Neeson, se paye même un bain de foule et le luxe de faire asseoir la fosse pendant l’arc « Last Days Of Summer »/« Under The Sky ». Après une grosse demi-heure de set, le groupe nous livre le morceau éponyme au dernier opus avant de quitter la scène sous l’ovation totale du Hellfest. Un samedi décidément riche en découvertes et en surprises.

14H20. On traverse la mer du Nord direction la Finlande pour Ghost Brigade. Après une apparition remarquée lors de l’édition 2010 du Hellfest, le groupe revient cinq ans plus tard pour défendre sa réputation. Leur style à mi-chemin entre metal-prog et doom a touché un large public puisque c’est une foule immense qui se dirige vers la Mainstage 1. Malgré des compositions bien rodées, une partie du groupe (dont le frontman Manne Ikonen) manque de pêche et laisse quelque peu le set s’enliser. Si le chant clair, une poil rocailleux, trouve sa place dans mes oreilles, le chant death en revanche me laisse perplexe. Sans faire de vagues, le groupe parvient au bout de son set et on ne retiendra finalement que quelques titres dont « Into The Black Light » ou encore « Breakwater ».

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C’est sur cette petite déception que nous reprenons l’interminable route qui mène au campement pour se réapprovisionner avant les shows de fin d’après-midi qui s’annoncent mémorables. Un peu avant 17h, alors que les Australiens de Airbourne s’apprêtent à enflammer Clisson, une horde de festivaliers se dirigent vers la Mainstage 1. A 16h45 le thème de Terminator 2 se fait entendre et rapidement Airbourne prend le contrôle de la situation. Véritable tendance dans la lignée d’AC/DC, les Australiens ne tardent pas à mettre le public du Hellfest à ses pieds avec les tonitruants « Ready To Rock » et « Too Much, Too Young, Too Fast ». Une coupure de courant vient pourtant gâcher la fête, plongeant l’après-midi dans un silence affolant. Quelques minutes plus tard, le souci désormais réglé, le show peut reprendre pour le plus grand plaisir de tous. Disposant d’une heure, la bande des frères O’Keeffe nous délivre une setlist savoureuse : « Cheap Wine & Cheaper Women », « Stand Up for Rock’n’Roll » ou encore « Live It Up » comblent les fans de la bande et ceux, comme moi, venu mettre un visage sur un nom émanant de beaucoup de bouches. Alors que la fête touche à sa fin, en sueur, Airbourne parachèvent leur set sur un « Runnin’ Wild » repris en chœur par une fosse comblée avant de prendre congé sous une nouvelle ovation unanime et amplement méritée.

18h40. Il est temps pour l’homme au chapeau haute-forme de montrer le bout de son manche. Slash arrive triomphant entouré de Miles Kennedy et ses Conspirators. Déjà venu dans le coin en 2012, l’ancien guitariste des Guns’ jouit d’une réputation sans fioriture et voit la fosse dire “Amen” à tous ses faits et gestes. Il n’y a qu’à voir les caméras qui sont toutes tournées vers lui, laissant tragiquement de côté les Conspirators. Le set débute sur « You’re a Lie » tiré de l’album Apocalyptic Love. Comme toujours, le son est remarquable et chaque instrument se distingue, même si c’est bien évidemment la Gibson qui prend le contrôle à chaque moment. L’heure accordée à la formation est principalement composé de reprises de Guns n Roses (« You Could Be Mine », « Nightrain », « Sweet Child O’Mine » qui figurent parmi les plus belles ovation de cette édition 2015), Velvet Revolver (« Slither ») et Slash himself (« Back From Cali »), malgré un show millimétré, pas grand chose de neuf à se mettre sous la dent depuis 2012. Le tube « Anastasia » fait l’unanimité et laisse la légende au chapeau se fendre d’un solo dont il a le secret. Le set s’achève sur une nouvelle reprise de Guns n Roses avec une version quasiment similaire en tout point du titre de 1987 « Paradise City ». Mais ça fait plaisir quand même.

Exit la langue de bois, il est inutile de vous cacher que le show suivant, celui de Killing Joke, fait probablement parti des pires choses qu’il ait été possible d’entendre pendant cette dixième édition du Hellfest. Ecouté de loin, la prestation du combo que certains ont pu découvrir sur la b.o de Need For Speed Underground 2, était poussive, fatiguée et à aucun moment entêtante. Mais lorsque ZZ Top prennent le relais à 20h40, les papas, les baroudeurs, les papas baroudeurs s’amassent devant les écrans géants pour assister au show de ces légendes de barbes. Sans fioritures, leur blues aux allures de southern rock passe parfaitement et fait office de bande-son parfaite pour la fin de cette journée caniculaire. Disposant d’un registre interminable, le groupe sélectionne pour son public français quelques titres bien trempés tels que « Jesus Just Left Chicago », « Pinchushion » ou encore une reprise de The Jimi Hendrix Experience « Foxy Lady ». Seul reproche à faire, le son de caisse claire est abominable. Mais ce petit détail ne viendra pas gâcher l’instant où Billy et Dusty entament le légendaire « La Grange » avant que « Tush » ne vienne achever leur très bonne prestation.

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Un jour à une brocante, je me rappelle être tombé sur cet album bleu avec son majestueux cygne. Depuis, Angel Dust siège à mon chevet. J’ai été forcé de constater que Faith No More ont redistribué les cartes de la musique expérimentale, de la fusion, dans les années 1990 et largement participé à l’éclosion du néo-metal. Il est 21h45 lorsqu’on découvre une Mainstage 2 décorée de centaines de fleurs. Un à un, les membres de Faith No More exclusivement habillés en blanc arrivent sur scène sous une ovation assourdissante. On y est. Le groupe entonne « Motherfucker » tiré de son dernier album, Sol Invictus, avant un « Be Aggressive » diabolique repris unanimement. Les hostilités se gâtent ensuite avec un « Caffeine » joué comme au premier jour où les « I’m warning you » de Mike Patton demeurent toujours aussi furieux. Le groupe pioche dans toute sa discographie avec « Evidence », « Epic » ou encore « Ashes to Ashes » et ne montre aucun signe de faiblesse. Chaque musicien est parfaitement à l’aise et rien ne dépasse si ce n’est la prestation monstrueuse de Mike Patton qui ressemble de plus en plus à Robert Downey Jr. Après un « Everything’s Ruined » et un « Midlife Crisis » qui sonne plus que jamais comme un hymne pluri-générationnel, le groupe nous délivre sa légendaire reprise du titre « Easy » des Commodores. Le moment est anthologique, la communion est totale tandis que Mike descend de scène et s’approprie un t-shirt de la sécurité. Le concert reprend de plus belle avec « Separation Anxiety », « Superhero » et « Matador », tirés de Sol Invictus, puis « Cuckoo for Caca » qui finissent d’achever le public. Une heure de set s’est écoulé et le groupe revient vers son « Heavenfest » pour un rappel exquis entonné par « Cone of Shame » avant un bon vieux « We Care A Lot » repris religieusement avant de placer le point d’orgue à sa prestation avec la reprise « sinatresque » de Burt Bacharach « This Guy’s in Love With You ». Un show scandaleusement parfait où le groupe, comme le vin d’ici, prend en caractère malgré le poids des années. Un concert à revivre sans modération sur le site d’Arte.

http://concert.arte.tv/fr/faith-no-more-au-hellfest

A peine remis de nos émotions, qu’il est l’heure de la surprise. En communiquant via les écrans placés un peu partout dans le domaine, l’équipe du Hellfest emmené par Ben Barbaud remercie les festivaliers avant un feu d’artifice son et lumière de grande qualité. D’abord un logique « Thunderstruck » d’AC/DC avant un « Bohemian Rhapsody » qui nous glace le sang et enfin un bon gros Slayer pour enfoncer le clou. Un moment clef de l’histoire du Hellfest.

Mais il est temps de baisser la tête et de quitter les Mainstages en direction de la Valley. A cette heure, il n’est pas chose aisée de circuler dans le Hellfest mais nous arrivons finalement à bon port au moment où les belges de Triggerfinger se pointent devant une Valley pleine à craquer. Survolté élégant, le trio délivre son stoner rock dans une ambiance détendue tandis qu’Obituary fait exploser l’Altar. « Black Panic » ou encore « First Taste » récoltent l’unanimité de la Valley aux anges, célèbrant la venue de nos cousins belges à grand coups de pressions. Le déjà mythique « By Absence Of Sun » nous laisse sans voix tant les musiciens sont à l’aise avant le moment expérimental du concert et le morceau « My Baby’s Got A Gun », tiré de All This Dancin’ Around, long de huit minutes qui nous laisse voir un autre visage du groupe. Pas de reprise de Rihanna ou de Lykke Li ce soir, Ruben, l’immense Monsieur Paul et Mario ne sortent pas de leur rôle et nous livre en pâture un « On My Knees » qui vient parfaitement clôturer cette prestation hors-norme et salvatrice en plein milieu de l’Enfer.

L’enfer c’est de retourner vers les Mainstages alors que les Allemands de Scorpions entament leur rappel. S’il fallait s’assurer d’être avec sa copine au moment du plus grand slow de l’histoire du rock, certains se sont assurés d’avoir un verre assez plein pour arriver à scander « Still loving youuuuu » depuis la zone de mecs en couple avec la Sköll. Et oui, la ségrégation c’est partout. Un bon « Rock You Like a Hurricane » des familles pour se remettre sur pattes et il est l’heure de dire au revoir (ou adieu pour la cinquantième fois) aux légendes allemandes.

Pour terminer ce samedi, nous avons le choix entre Venom, Biohazard et celui qu’on appelait le Révérend, puis le mec qui s’est fait retiré des côtes puis, depuis janvier dernier, The Pale Emperor. Il est 1h00 lorsque Brian Warner grimpe sur la Mainstage 2. Si on pouvait s’attendre à un prestation pitoyable du « God of Fuck », on ne nous a pas menti sur la marchandise. Marilyn Manson a été un dieu mais jamais celui de la prestation live, ce soir non plus. Mais les années passent et le Révérend se présente à nous pour la dernière date de la tournée, donc épuisé. Malgré cela on dénote tout de même une volonté de bien faire les choses. Des décors impressionnants, un mise en scène qui l’est tout autant et par dessus tout une setlist de rêve. Manson nous balance d’emblée l’excellent « Deep Six » tiré de son dixième opus, l’excellent Pale Emperor. Une fois encore, le son est irréprochable et la fosse sous le joug de son idole. Si la prestation vocale est sans surprise scandaleuse, on ne peut pas en dire autant de ses musiciens à commencer par l’excellent Twiggy Ramirez dont c’est l’anniversaire. Les tubes défilent (« Disposable Teens », « Rock Is Dead », « mOBSCENE ») malgré le fait que les transitions faites dans le silence le plus total semblent interminables. Manson nous gratifie également du génial « Third Day Of a Seven Day Binge » de Pale Emperor avant un « Sweet Dreams » un peu spécial puisqu’il est joué vingt ans jour pour jour après sa sortie. Anthologique, vraiment. Le temps d’un « The Dope Show » et d’un « No Reflection » et le Révérend se fend de quelques titres de son album Antichrist Superstar, pour le plaisir des fans, et de mes yeux d’ado. Le mélancholique « Tourniquet », le tranchant « Antichrist Superstar » et même un « Angel With Scabbed Wings » quelque peu maltraité par la performance vocale, encore une fois, dégueulasse. Le show s’achève sur l’inévitable « The Beautiful People » repris comme un seul homme par la fosse avant une pluie de confettis et des au revoir, à mon goût, bâclés. C’est finalement agréablement surpris par la setlist que nous tournons le dos aux scènes en direction du camping afin de terminer, en beauté et en caddie, ce samedi exceptionnel.

Merci à Replica Promotions, à Hellfest Productions, et à tous les bénévoles.

Texte : Alex’ Nortier

Photos : Mario Ivanovic

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