Véritable ovni musical contemporain, le sextet gallois Sendelica marque son retour en ce début d’année avec un nouvel opus baptisé Anima Mundi. Habitué à sortir chaque année une pléiade d’albums studio ou live, le groupe, emmené par Pete Bingham, s’est considérablement mué dans le silence pendant près de deux ans ; nous laissant sur le convenable The Kaleidoscopic Kat & It’s Autoscopic Ego (2013) puis un album de vieilles b-sides étonnement percutant, The Fabled Voyages of the Sendelicans (2014). Pour cette septième livraison, les Sendelica ont souhaité s’éloigner de leurs sentiers battus, et pour ce faire, ont appelé en renfort deux autres musiciens : Virginia Tate (flute, claviers) et Gregory Curvey (guitare). Allumage.
Les hostilités s’ouvrent sur “The Craeft Worker”. Un premier morceau très aérien à la rythmique krautrock qui n’est pas sans rappeler Kraftwerk (!) saupoudrée de guitares psychédéliques et d’une brève ligne de saxophone pour amener la touche ambient-jazz, style de prédilection du combo gallois. Mais cet excellent « The Craeft Worker » ne fait finalement que figure de mise en jambes pour la suite. Long de plus de douze minutes, le très groovy « Master Benjamin Warned Young Albert Not to Step on the Uninsulated Air » est un véritable chef d’œuvre musical où les ambiances du krautrock côtoient des guitares au son robotique et ce saxophone en électron libre qui part dans tous les sens sur fond de samples parasitaires. La fin du morceau alterne des solos de guitares psychés, de saxophone et de batterie pour un résultat qui nous rappelle l’explosion de l’Etoile de la Mort, sans les Ewoks cependant…quoique. « The Pillar of Dehli » présente ensuite une autre facette de cet Anima Mundi. Pete Bingham et l’invité Gregory Curvey de The Luck Of Eden Hall se partagent ici les parties de guitares et leurs lots d’effets le temps d’un titre cosmique et dangereusement psychédélique. « Azoic » reprend ensuite les ambiances de « The Pillar Of Dehli » mais relègue les guitares au second plan pour mettre l’accent sur l’atmosphère astrale. Un morceau fatalement post-rock qui clôt avec légèreté et finesse la première partie d’Anima Mundi.
Avec « Baalbek Stones » Sendelica s’essayent à quelque chose de plus rock avec un riff tout droit sorti d’un album de The Black Angels et une basse totalement garage-rock. Bingham sort ensuite peu à peu du paysage et laisse place au saxophone plaintif de Lee Relfe qui se charge d’un final cent pour cent jazz. Le groupe pousse à l’extrême avec « ‘The Breyer’, ‘The Taeogion’, And ‘The Caethion’ » et une guitare désormais metal qui alterne gros riffs bien gras et les solos vertigineux. La fin du morceau fait, elle, écho à “Azoic” puisque l’on change de climat avec l’arrivée du titre « Searohwit ». Nous revoilà dans un krautrock de l’espace… mais avec une Virginia Tate qui marque véritablement le coup grâce à sa flûte qui nous plonge en plein cœur du monde arabe, mais aussi avec des claviers résolument dub qui rendent ce « Searohwit » aussi intriguant que lumineux. L’album s’achève sur « The Hedge Witch », un morceau très synth-pop 80 qui nous ballade une dernière fois entre krautrock et ambient-jazz avec en prime des claviers post-punk qui accompagnent l’inévitable saxophone et puis, pour finir, une délicate et discrète ligne de piano avant que la poussière ne retombe.
Les gallois voulaient s’essayer à quelque chose de différent avec Anima Mundi. En prenant le temps de bien faire les choses, Sendelica ont accouché d’un album plein aux multiples facettes minutieusement exploitées qui ravira les amateurs de sensations fortes. Un disque qui ne sera pas à la portée de tous, mais à découvrir de toute urgence par ceux pour lesquels la normalité dérange.
Sendelica , Anima Mundi (2015),
Texte: Alex Nortier
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