
A l’occasion de la sortie de leur premier album, Leviathanima, nous avons rencontré Adrien et Emile, respectivement batteur et chanteur du groupe Beyond The Styx, le lundi 16 février. Les Tourangeaux nous ont parlé de bleu, de malaise, de roulage par terre, d’encre et de colonie de vacances.
The Unchained : Pour commencer, j’aimerais revenir brièvement sur l’histoire du groupe : vous venez tous de Tours, mais comment vous êtes-vous rencontrés ?
Adrien : L’aventure a commencé avec Emile le chanteur, on avait un précédent groupe ensemble qui a splitté. Un jour je l’ai rappelé pour lui dire que c’était dommage et que je reprendrais bien quelque chose. On n’avait pas forcément les mêmes directions artistiques, mais on s’est dit « on essaye, on verra bien ». On a essayé, on a recruté des zicos par tous les biais : petites annonces, carnet d’adresse, et voilà.
Donc ce n’était pas un groupe de potes ?
Adrien : Non, à part Emile et moi, les autres ne se connaissaient pas. On a intégré un premier line-up avec deux guitaristes et un bassiste. Puis on a changé de line-up il y a deux ans pour des raisons artistiques et familiales, pareil : petites annonces et tout. Et maintenant on est des potes ! (rires)
Vous avez donc sorti votre premier album, « Leviathanima » le 6 février. J’aimerais commencer avec la première chose que j’ai vue de ce disque, à savoir sa pochette. Elle est réalisée par Guillain le Vilain, qui avait déjà fait celle de votre EP en 2012. Si elles sont très similaires, il y a une grosse différence : la couleur. Pourquoi ce bleu ? Ça sort de l’ordinaire! Adrien: Il y avait une volonté de casser un peu les codes. Ce n’est pas parce qu’on fait du métal qu’il faut faire du noir. Ensuite, ça s’est fait au fil du temps. On avait déjà travaillé avec Guillain pour l’EP. A l’époque on lui avait fait écouter de morceaux de ce qu’on avait à peu près enregistré, il n’y avait rien de réellement enregistré, c’était du fait-maison. Il a fait plusieurs pochettes, on lui a donné des petites idées, des mots, des esprits, et on en a retenue une. On avait envie de retravailler avec lui parce que d’une part c’est quelqu’un de très professionnel, qu’on aime beaucoup son travail, et comme l’aventure de Beyond a continué mais a franchi un cap quand on a changé le line-up, on avait envie d’aller jusqu’au bout des choses. Donc c’est pour cela qu’on a retravaillé avec lui. Et là par contre clairement, on lui a dit : « on veut retravailler avec toi, on adore ce que tu fais, on te laisse faire, on adore ton travail, tu connais l’esprit ». On lui a juste dit qu’on avait évolué, parce que d’autres influences, d’autres envies, d’autres musiciens. Il est arrivé avec une planche au bout de quelques mois, et la pochette que vous avez devant les yeux, c’était la première planche, avec quelques petits détails qui ont changé, comme la taille du logo ou autre. Et le bleu, c’était lui. On lui avait dit qu’on ne voulait pas retomber dans du noir, et comme Emile lui avait beaucoup parlé de l’encre et que ce graphiste est aussi tatoueur depuis deux ans, il avait envie de ce côté « bleu encre » d’un tatouage qui aurait coulé. On a fait ça aussi pour interpeler.
Ensuite, le nom : « Leviathanima », l’âme du Léviathan si je ne dis pas de bêtise. Pourquoi cette référence au Léviathan ?
Adrien : C’est la continuité avec le nom du groupe : est-ce qu’on se place d’un côté ou de l’autre du Styx ? Et le Léviathan est la référence à la bête sans idéologie, sans religion derrière. Il faut vraiment mettre les deux mots ensemble, c’est-à-dire que « Leviathanima » c’est Léviathan + Anima. C’est à la fois la fin de quelque chose, mais aussi le début. L’Apocalypse c’est soit la fin pour certaines personnes, mais pour d’autres c’est aussi le recommencement d’autre chose. Le titre est arrivé tout à la fin, tellement qu’on était en studio quand on l’a choisi.
Sur cet album, les morceaux se suivent mais ne se ressemblent pas. On entend clairement que vous avez des influences assez diverses. Comment s’est passée la composition ? Qu’est-ce qui vous a inspiré ?
Adrien : On s’est pris la tête dans le bon sens du terme pour que tout le monde aime les morceaux, que tout le monde y apporte son grain de sel, que ce soit le plus cohérent possible. On cherchait avant tout de l’efficacité, car on venait de se manger deux ans de tournée après l’EP, on avait vécu plein de choses en live, et on avait envie que cet album, qui était la continuité de l’EP mais avec de l’expérience, nous parle efficacement. Donc la composition s’est faite avec tout le monde, les nouveaux membres compris. Ils ont dû prendre leur place rapidement : David est arrivé en avril et Yohann en juillet [ndlr : 2013] et moins d’un an après, on rentrait en studio pour enregistrer l’album. Donc on était en pleine composition. Je crois qu’on avait fait un morceau, qu’on a gardé mais qui a été modifié. Les guitaristes arrivent avec des riffs, proposent des choses, des enchaînements, des idées. Dessus, tout le monde donne son envie. Ensuite on rajoute la rythmique. Moi j’apporte mes idées, on arrange un peu les morceaux, on change des choses, on essaie, et puis ça se construit comme ça, petit à petit. Et puis parfois on fait quelque chose, et puis on vient à la répète d’après : « Tiens j’ai pensé à ça ! » On essaye, et on se dit « Ouais nan c’est pourri » ou alors « C’est cool ».
Je n’ai pas eu accès aux paroles des chansons. De quoi parlent-elles ?
Emile : Mes paroles s’inspirent de notre ère. Des maux de notre ère. Principalement de l’Homme. J’ai essayé de faire un parallèle entre l’Homme et le côté monstrueux qu’on refuse ou qu’on introvertit. Là-dessus j’ai brodé différents titres, avec différentes thématiques, qui peuvent aller de l’enfance galvaudée/spoilée, à d’autres titres plus personnels où je vais pouvoir métaphoriser autour de l’encre par exemple, comme dans « SanctuarINK » où je fais état de l’encre qui peut être aussi bien une protection qu’une prison : est-ce que mes textes me protègent ou est-ce qu’ils m’enferment ? Est-ce que mes tatouages me protègent ou est-ce qu’ils m’enferment ? « Odysseus » est une ode à l’horizon. Le fil conducteur est le malaise ; les maux dans un processus créatif, dans un esprit optimiste. Toujours dans un esprit constructif. Mes textes sont sombres, mais leur issue, je pense, si on creuse un peu, n’est pas si sombre que ça.
Adrien : Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants… (rires)
Emile : Non pas jusque-là, mais il y a toujours le petit filet de lumière qui nous fait penser que c’est le bout du tunnel.
L’album a été mixé par Jamie King, qui a notamment travaillé pour les Between The Buried & Me. Vous sentiez qu’il y avait besoin de la patte d’un américain sur vos compos ?
Adrien : On a refait les prises au même endroit, au Dôme Studio à Angers, parce qu’on voulait encore travailler avec les frères Potvin [ndlr : guitaristes du groupe One-Way Mirror] qui nous avaient beaucoup apporté, et professionnellement et amicalement ça se passe très bien avec eux. On n’avait pas pensé forcément à un Américain, et puis ça nous paraissait presque lointain, les Etats-Unis. Pour un premier album, on a cherché en Europe, car on voulait quand-même quelqu’un d’extérieur. Les frères Potvin nous connaissaient de l’EP, on voulait un petit truc en plus. On a cherché des noms avec des productions qui nous plaisaient. Et par des connaissances, des relations, on nous a conseillé de contacter Jamie King. On l’a contacté…
Emile : On a eu une réponse en deux jours ! (rires)
Adrien : Il est très professionnel, super sympa. Nos pré-prods lui plaisaient. Ensuite on a parlé contrat, tout ça, et puis on lui a fait confiance. Il nous a sorti un son qui nous plaisait.
Vous avez visité la Caroline du Nord ou pas finalement ?
Adrien : Non, on a tout fait à distance. On a regardé quand-même les billets d’avion. Il était en mixage au mois d’août. Les voyages pour les USA au mois d’août c’était clairement hors-budget.
Emile : Ce n’est pas dit qu’un jour, s’il y a un label qui est prêt à mettre des sous, on ne prenne pas un billet d’avion pour aller travailler avec lui.
Justement, en parlant label, au début de l’année vous rejoigniez officiellement les rangs de Klonosphère. Comment est survenue cette collaboration ? Vous souhaitiez absolument rejoindre un label pour votre premier LP ?
Adrien : C’était indispensable oui et non. Non, si on ne considère que le côté pécuniaire, financier d’un label. On a fait l’EP en autoproduit et on a sorti nos deniers. Par contre, je dirais oui pour ce que peut nous apporter un label en termes de rencontres humaines et artistiques, de reconnaissance du travail auprès de nos pairs. Il ne faut quand-même pas se leurrer : un groupe qui arrive avec un label derrière a quand-même plus de chances de jouer dans certains endroits qu’un groupe qui n’a pas de label. C’est la réalité, parce qu’un label c’est un certain gage de qualité. Et Klonosphère, c’est une valeur sûre en France. Tout le monde connaît la Klonosphère, tout le monde connaît les groupes de la Klonosphère.
Emile : Pour moi Klonosphère, c’est la puissance créative. C’est Trepalium, Klone, Hypno5e, Hacride, … c’est quand-même un sacré vivier créatif. Après, on aime ou on n’aime pas. Ce n’est certainement pas les plus connus. Par contre en termes de créativité, là on ne peut que s’incliner.
Mais du coup est-ce que c’est vous qui êtes allés chercher Klonosphère, ou le contraire ?
Adrien : On avait contacté Klonosphère pour l’EP. On ne cherchait pas à le faire signer, mais on voulait déjà dire « Hop ! On est là ! ». Guillaume, de Klonosphère, nous avait dit clairement que ça ne l’intéressait pas de le signer, que ce n’était pas son style de musique, même si c’était propre. On a cherché plusieurs labels pour l’album, on a envoyé plusieurs demandes auprès des gens avec lesquels on avait envie de travailler. Klonosphère en faisait partie. On a eu plusieurs propositions, on aurait pu signer sur plusieurs labels. On a choisi Klonosphère pour l’éclectisme, la créativité, et le contact humain. En plus on avait déjà pu rencontrer Guillaume car on avait joué avec Klone et Hacride avant cet album.
En 2015, vous avez un sacré paquet de dates de prévues pour la promo de l’album, que ce soit en France, en Belgique, ou en Suisse. Pour le moment, quel est votre meilleur souvenir de tournée ?
Adrien : Je dirais… Outre les concerts, parce que finalement tous les concerts sont des bons souvenirs, c’est le van ! C’est la vie à plusieurs, c’est les échanges, c’est l’être humain, c’est tout ça. Pour moi c’est des souvenirs un peu comme quand on partait en colo quand on était gamin : quand on revient on a le souvenir jusque-là, et on a chialé parce qu’on a quitté ses potes !
Emile : Moi je dirais une date à Clermont-Ferrand [ndlr : le 24 octobre 2013 au Sprint Bar]. Je ne pourrais pas oublier, car une date c’est l’ensemble des gens qui la composent, la finalité de la date, et il y a l’after. Et là, tout était là. On attendait une trentaine de personnes. Il y avait une centaine de personnes, le bar était plein à craquer, à se demander pourquoi. A la fin de « Heca 3 », je me roule par terre ; et ce jour-là, les gens se sont mis à me porter. Ça s’est fait de manière très spontanée, je ne m’y attendais pas du tout. Derrière il y a eu l’after, et les fans ! Le nombre de fans qu’on a rencontrés, des gens qu’on ne connaissait pas, et avec lesquels on est toujours en contact aujourd’hui. Et à l’after, on a rigolé et rigolé, avec plein de gens cools.
Adrien : Si un autre souvenir, très récent : la première fois où le public a chanté nos paroles. C’était magique. C’était dans une cave et tout, on s’était pelé de froid toute la journée. Les gens avaient fait 35/40 bornes pour nous voir, et ils étaient devant entrain de chanter nos paroles, c’était génial.
Emile : Oui les concerts avant y avait une ou deux personnes, mais c’était une bonne dizaine de personnes !
Vous avez pleuré un peu du coup ?
Emile : Non pas jusque-là, mais c’est vrai que j’ai le souvenir d’une date, où on était en processus d’enregistrement de l’album, on avait joué avec Absurdity à Tours en mai l’année dernière. On n’avait pas joué depuis presque 7 mois, on a eu 130 personnes devant nous à cette date. C’était une claque quoi ! J’étais le premier surpris par un tel engouement ! Même si au fond, on l’espère, mais de là à le voir se matérialisé… Personne n’est à l’abri d’une vautre…
Si vous pouviez choisir, avec quel groupe rêveriez-vous de jouer ?
Adrien : Bah moi je dirais The Acacia Strain, qui est un groupe que j’apprécie fortement. Mais ça pourrait être d’autres, comme Terror, ça serait un rêve de gamin. Mais sinon plus terre à terre, je dirais un groupe du label.
Emile : Moi Trepalium ça me ferait bien kiffer de tourner avec eux par exemple.
Adrien : Pourquoi pas Checkmate, The Walking Dead Orchestra !
Emile : Ce sont des choses nettement plus réalisables. On aimerait bien avec Walls Of Jericho aussi, mais bon…
Et pour conclure, pourquoi avoir choisi « SanctuarINK » comme premier single ?
Emile : La question ne s’est pas trop posée finalement. Il y a eu un consensus là-dessus. C’est à notre sens la chanson qui faisait le mieux la jointure entre nos deux disques. L’idée n’était pas de perdre les gens qui nous écoutaient avant, mais en même temps on voulait quand même leur montrer notre évolution. Donc on s’était dit que c’était certainement le titre, au-delà des textes et de la symbolique, adéquat pour faire la jointure entre ces deux épisodes de notre discographie.
Adrien : Il y aura certainement un deuxième clip, mais…
Emile : Mais là il n’y a pas de consensus. On ne sait pas.
Et au passage, ça fait quoi d’avoir 27.000 vues sur son clip en deux mois ?
Adrien : C’est cool ! (rires)
Emile : C’est vrai que ça change parce qu’on a peut-être un petit peu plus galéré. Mais on se dit aussi que c’est parce qu’il y a des gens qui nous regardent vraiment, qui partagent et que petit à petit l’oiseau fait son nid. On se fixe des objectifs, on fait tout pour. Après il y a des choses qu’on ne commande pas. On sait bien cependant que c’est rare qu’un groupe se vautre sur un autre clip, sauf si c’est une daube ! (rires)
En tout cas bonne continuation à Beyond The Styx pour la suite des événements et un grand merci d’avoir répondu à nos questions.
L’album Leviathanima est actuellement dans les bacs ( Klonosphère / Season of Mist)
Merci à Replica Promotions.
Interview par Charlotte.
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